Le responsable du département Politique et Opinion chez Ipsos affirme que les Français espèrent véritablement voir une « véritable inflexion » dans les orientations politiques, au moment où les délibérations pour désigner un nouveau Premier ministre sont toujours en cours.
« Nous entrons dans une phase critique, où l’incompréhension initiale risque de se transformer en impatience », déclare le mardi 3 septembre sur franceinfo Stéphane Zumsteeg, directeur du département Politique et Opinion de l’institut Ipsos. Ce constat survient alors que les discussions censées aboutir à la désignation d’un Premier ministre capable d’éviter une motion de censure n’ont encore produit aucun résultat tangible quant à une nomination à Matignon.
D’après Zumsteeg, « les Français restent perplexes face à la décision du président de dissoudre l’Assemblée nationale », estimant majoritairement que « cela a été une décision mal avisée ». En outre, ils peinent à saisir « que le président semble jouer un jeu de cache-cache avec les Français et le personnel politique ». Il prévient que cette situation pourrait se transformer en exaspération, contribuant à accentuer encore davantage le fossé qui sépare les Français de la classe politique.
« Forcer la main » aux partis politiques
« Les Français attendent d’Emmanuel Macron qu’il admette sa défaite aux élections législatives et qu’il engage une véritable réorientation de la politique gouvernementale », explique Stéphane Zumsteeg. Pour lui, « le principal défi pour Emmanuel Macron est d’assurer sa survie politique pour les années qu’il lui reste en tant que président de la République ». Il soutient que Macron « fait tout pour contourner les partis politiques et les forcer à se plier à sa volonté ». Zumsteeg également rappelle « le refus net de Lucie Castets », pressentie par le Nouveau Front populaire pour le poste de Premier ministre, illustrant cette volonté de Macron de ne pas se faire imposer de candidat.
« Le but, c’est de faire en sorte que ce soit lui qui propose le Premier ministre, c’est crucial pour lui. »
Stéphane Zumsteegà franceinfo
Concernant le profil du prochain Premier ministre, Stéphane Zumsteeg estime qu’Emmanuel Macron ne souhaite pas d’un rival politique à Matignon. En réalité, « il cherche quelqu’un avec qui il peut développer une certaine complicité ». Cependant, cela va à l’encontre du message envoyé par les électeurs, qui ont manifesté une volonté différente lors des élections. Récemment, plusieurs noms circulent, tels que Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, aux profils politiques marqués, ou encore des candidats plus « techniques » comme Thierry Beaudet, président du CESE.
Le risque de « compromettre ses chances pour la présidentielle »
Stéphane Zumsteeg souligne que « le problème avec un technicien, c’est qu’il n’a pas de base électorale solide et ne peut pas compter sur un soutien assuré d’un bloc politique », ce qui complique sa position. Il rappelle aussi que « de nombreux Premiers ministres en période de cohabitation ont échoué aux élections présidentielles », citant des exemples comme Jacques Chirac en 1988, Edouard Balladur en 1995, et Lionel Jospin en 2002. « En tant que Premier ministre, vous devenez le bouclier des critiques », ce qui incite à se demander « pourquoi risquer sa réputation et compromettre ses chances pour la présidentielle »..
Pour Zumsteeg, la situation actuelle découle « de la stratégie d’éradication des Républicains et du Parti socialiste entreprise par Emmanuel Macron depuis 2017 ». Ces partis, bien que diminués, ne sont pas morts et font leur retour. Toutefois, les institutions peinent à fonctionner avec trois forces distinctes. En effet, « l’absence de deux grands blocs clairs, combinée à un scrutin majoritaire à deux tours, rend l’assemblée moins gouvernable qu’auparavant ».