Le papa de la jeune Kamilya, qui a perdu la vie après avoir été renversée par un conducteur de moto dans la région des Alpes-Maritimes, a exprimé son émotion en constatant que le suspect n’était pas incarcéré, mais en liberté.
« Aucune considération pour notre fille ni pour nous », a écrit dimanche 1er septembre sur Facebook le père de Kamilya, la petite fille de 7 ans renversée jeudi soir par une moto à Vallauris (Alpes-Maritimes) et décédée trois jours plus tard à l’hôpital. Le père de Kamilya a exprimé son mécontentement sur Facebook dimanche, déplorant que le motard de 19 ans, mis en examen, ait été libéré sous contrôle judiciaire plutôt que placé en détention provisoire. Quelles sont les distinctions légales entre ces deux procédures ?
En quoi consistent la détention provisoire et le contrôle judiciaire ?
La détention provisoire vise à protéger le bon déroulement de l’enquête et implique l’incarcération d’une personne présumée innocente et non encore condamnée, d’après la définition fournie sur le site Service-public.fr. Sa durée est limitée : quatre mois pour les délits, deux ans pour les crimes, et trois ans pour les peines dépassant 20 ans. Cette mesure est ordonnée uniquement si un contrôle judiciaire ou un bracelet électronique ne suffisent pas à prévenir la destruction de preuves, la fuite du suspect, ou les pressions sur les témoins ou la famille.
En revanche, le contrôle judiciaire est imposé à une personne en attente de procès après une enquête préliminaire ou une mise en examen. Il dure jusqu’à la fin du procès et n’a pas de durée maximale. Contrairement à la détention provisoire, le contrôle judiciaire permet au suspect de rester en liberté, bien qu’avec des restrictions particulières à chaque individu.
Dans l’affaire de Kamilya, le motard de 19 ans doit se rendre au commissariat d’Antibes toutes les deux semaines. Il lui est interdit de « contacter » la famille de la victime ou de se rendre à Vallauris (Alpes-Maritimes). Son permis de conduire a été retiré et il ne peut quitter le département des Alpes-Maritimes.
Qui décide de la détention provisoire ou du contrôle judiciaire ?
Le juge des libertés et de la détention (JLD) a la compétence de décider la détention provisoire, contrairement au juge d’instruction. Après la garde à vue, le juge d’instruction peut demander au JLD de placer en détention provisoire la personne mise en examen. L’individu mis en examen, toujours assisté de son avocat, passe ensuite devant le JLD pour une audience.
Durant cette audience, un débat contradictoire a lieu où le procureur de la République, le prévenu et son avocat présentent leurs arguments. Le JLD rend une décision à la suite de ce débat. Il peut ordonner la détention provisoire, refuser cette mesure ou opter pour un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.
Que se passe-t-il si le parquet, le juge d’instruction et le JLD ne sont pas d’accord sur la décision ?
Dans certains cas, la décision du JLD peut être controversée. C’est le cas de l’affaire de Kamilya, la petite fille percutée par un motard et décédée de ses blessures. Le parquet de Grasse et le juge d’instruction en charge de l’affaire avaient requis la détention provisoire du motard pendant l’enquête. Cependant, le JLD a décidé d’un contrôle judiciaire, car le jeune homme de 19 ans n’était pas sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants au moment des faits et n’avait pas d’antécédents connus.
« La décision du JLD paraît juridiquement solide. Pour les parties civiles, elle est difficile à comprendre car l’émotion prévaut, ce qui est tout à fait légitime », explique Marion Ménage, avocate pénaliste au barreau de Pontoise.
Le parquet a d’ailleurs fait appel de cette décision. Cet appel sera examiné « dans les meilleurs délais possibles » par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Selon l’avocate, « le risque de fuite ou de récidive est faible, la perte de preuves est inexistante, le risque de concertation est nul. Il ne reste que la gravité des faits et le trouble à l’ordre public » comme facteurs potentiels pour envisager une détention provisoire. Elle ajoute que, bien que la pression médiatique puisse influencer le trouble à l’ordre public, « heureusement, ce n’est pas suffisant pour justifier une détention provisoire ».
Pourquoi la détention provisoire est-elle rarement automatique ?
Comme souligné précédemment, la détention provisoire n’est ordonnée que si un contrôle judiciaire ou le port d’un bracelet électronique ne sont pas suffisants pour prévenir les risques liés à l’affaire. L’emprisonnement d’un individu non encore jugé doit rester une exception, car nous sommes dans le cadre pré-sentenciel, souligne Marion Ménage. « En principe, une personne ne devrait jamais être en prison sans qu’une juridiction l’ait reconnue coupable et condamnée. La détention avant tout jugement doit être sévèrement encadrée », ajoute-t-elle. « Cela n’empêche pas que ce jeune homme puisse être incarcéré une fois condamné, à titre de sanction. »
Un autre argument en faveur de l’utilisation exceptionnelle de la détention provisoire est la surpopulation dans les prisons françaises. Environ 26% des détenus sont en attente de jugement en France, selon le site Vie-publique.fr.