Suite à plusieurs échecs à Hollywood, Almodóvar a décidé de déplacer le cadre de son film vers la côte est, précisément dans l’État de New York. Cette ville lui avait en effet permis de faire ses premiers pas aux États-Unis dès les années 1980, ouvrant de nombreuses opportunités.
Est-il possible de démarrer une carrière américaine à 74 ans ? Pedro Almodóvar, une légende du cinéma espagnol, a présenté à Venise son tout premier long-métrage en anglais, une histoire sombre sur le suicide assisté, mettant en vedette les célébrités américaines Tilda Swinton et Julianne Moore.
The Room Next Door, un candidat pour le Lion d’or, raconte l’histoire d’Ingrid, une écrivaine angoissée par la fin de sa vie (Julianne Moore), et de Martha (Tilda Swinton), son amie d’enfance, une ancienne reporter de guerre qui mène une vie solitaire dans un appartement luxueux à New York. À travers des flashbacks, le film remonte le fil de la vie de Martha : une fille qu’elle n’a jamais élevée en raison de son travail, un père absent dont elle n’a jamais parlé, et des relations amoureuses éphémères. Un portrait d’une femme fort indépendante, mais profondément solitaire.
« La chambre d’à côté »
Quand les deux amies se retrouvent, Martha est en phase terminale d’un cancer. Refusant un traitement incertain et éprouvant, elle choisit de mettre fin à ses jours à l’aide d’un médicament acheté illégalement sur Internet. Elle demande à Ingrid de rester à ses côtés dans ses derniers moments, en louant une maison à la campagne où elles s’installeront dans « la chambre d’à côté ».
Ingrid sera présente mais ne devra pas administrer la pilule ; Martha souhaite la prendre elle-même, une nuit, derrière une porte close. Elle assure à Ingrid que personne ne saura jamais rien de cet arrangement. Toutefois, Ingrid confie leur secret à un homme, incarné par John Turturro, qui a été un compagnon pour elles deux.
Bien que le film semble typiquement almodovarien sur le papier, il s’éloigne du tumulte et de l’extravagance des comédies provocatrices et kitsch des débuts de ce réalisateur espagnol, tout comme des sommets émotionnels de Tout sur ma mère ou Parle avec elle. Il s’écarte également de la veine autobiographique récente (Douleur et gloire), se penchant plus vers le mélodrame sans nécessairement réinventer le traitement cinématographique de l’euthanasie. Le film explore aussi des questions politico-sociales, traçant un parallèle entre la fin de vie et le désastre climatique.
« La mort est partout »
Abordant de plus en plus la dégradation physique et la peur de la mort dans ses œuvres, Almodóvar a abordé ce thème lors de la conférence de presse : « Le film parle d’une femme qui meurt dans un monde qui meurt aussi probablement ».
« Je suis né dans la région de la Mancha, où la culture de la mort est très enracinée (…) Je me sens très proche du personnage de Julianne (Moore), je ne peux pas accepter que quelque chose de vivant doive mourir. La mort est partout mais c’est quelque chose que je n’ai jamais pu comprendre. J’ai 74 ans. Chaque jour qui passe est un jour de moins qu’il me reste »
Pedro Almodóvar, réalisateurConférence de presse
Trouver une carrière aux États-Unis et en anglais était un rêve de longue date pour le cinéaste espagnol, qui est une figure incontournable dans son pays, créateur d’œuvres comme Attache-moi ! ou La Loi du désir, et une figure majeure du cinéma européen. Après plusieurs tentatives avortées à Hollywood, Almodóvar a choisi de situer son film sur la côte Est, dans l’État de New York, ville qui lui avait ouvert les portes des États-Unis au début des années 1980. En 2020, Almodóvar a dévoilé son premier moyen-métrage en anglais, La voix humaine, inspiré de Jean Cocteau, avec Tilda Swinton. Trois ans plus tard, il a repris un format encore plus court avec Strange Way of Life, un western homosexuel mettant en vedette Ethan Hawke et Pedro Pascal.
Pour la réalisation de The Room Next Door, il a une nouvelle fois collaboré avec le compositeur Alberto Iglesias pour la bande originale et avec de grandes marques pour les costumes des actrices. « Chaque personnage doit être habillé d’une certaine manière. De cette façon, beaucoup d’émotions sont véhiculées », avait expliqué Almodóvar en juin.