Lundi, des représentants de partis de gauche ont cherché à devancer l’extrême droite en proposant des modifications pour inverser la réforme. Cependant, le Rassemblement national, qui prépare aussi sa propre proposition à ce sujet, a réussi à empêcher que ces amendements soient adoptés.
Les principales forces politiques d’opposition se livrent actuellement à une compétition pour être celle qui réussira à annuler la réforme des retraites. Lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale en commission, le lundi 21 octobre, un affrontement a eu lieu autour de ce thème. Les députés, en particulier ceux du Rassemblement National (RN), ont rejeté plusieurs propositions d’amendements venant de la gauche, qui voulaient amorcer un processus d’annulation de la loi.
Cette loi, mise en place en 2023 par le gouvernement d’Élisabeth Borne, élève l’âge légal pour partir à la retraite à 64 ans. Durant la récente campagne législative, le RN ainsi que le Nouveau Front populaire (NFP) avaient tous deux pris l’engagement de revenir sur cette réforme, qui est majoritairement désapprouvée par les Français. Depuis, chaque parti cherche à s’imposer le premier sur cette question sensible.
Le mouvement dirigé par Marine Le Pen projette de soumettre une proposition d’abrogation lors de sa « niche parlementaire » prévue pour le 31 octobre. Toutefois, les députés socialistes, écologistes, de La France insoumise (LFI) et communistes ont déposé plusieurs amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont certains étaient débattus dès lundi soir en commission des affaires sociales.
Le RN appelle la gauche à soutenir sa proposition
Pour revenir sur le relèvement de l’âge légal à 64 ans sans aggraver le déficit de la Sécurité sociale, certains députés ont proposé une surcotisation pour les revenus dépassant un certain seuil (doublé du « plafond de la Sécurité sociale », soit environ 7 400 euros par mois pour les socialistes). Ils appellent également à une « conférence de financement des retraites » impliquant les partenaires sociaux pour identifier d’autres sources de financement. Ces propositions, selon le député socialiste Jérôme Guedj, répondent à une « demande majoritaire du pays » désireux d’abroger cette « réforme injuste ».
Malgré tout, les autres forces politiques ont rejeté tous ces amendements. Annuler la réforme « alourdirait le déficit [de la branche retraite] de près de 3,4 milliards d’euros dès 2025, (…) et de 16 milliards en 2032″, a souligné Yannick Neuder, rapporteur général du PLFSS (Les Républicains). « Il est impensable de prévoir une augmentation des cotisations dans un contexte déjà considéré comme oppressant fiscalement », a réagi Thomas Ménagé, député RN.
« Le moment pour abroger la réforme des retraites (…) c’est dès ce mercredi, en commission [où sera examinée la proposition du RN]« , a déclaré un élu aux représentants du NFP. La proposition de loi défendue par le RN vise à rétablir l’âge minimum de départ à 62 ans au lieu de 64 ans, avec 42 années de cotisation. « La décision vous appartient », a-t-il ajouté, incitant la gauche à faire preuve de cohérence entre leurs discours et leurs actions.
La gauche accuse le RN de « tromperie politique »
Le choix du RN de rejeter ces amendements a suscité l’irritation parmi les élus de la gauche, le groupe socialiste accusant le parti d’extrême droite de « tromperie politique, institutionnelle et sociale » dans une publication sur X, tandis que la députée LFI de Paris, Sarah Legrain, qualifiait la situation de « farce » sur le même réseau social. Ce contexte met en lumière les dilemmes auxquels la gauche est confrontée. Refusant de s’associer à l’extrême droite, les socialistes, écologistes et insoumis ont décidé de ne pas soutenir la proposition du RN, préférant défendre celle des élus LFI lors de leur niche parlementaire le 28 novembre.
Cependant, des voix, comme celle du porte-parole des communistes Léon Deffontaines dans une tribune sur Mediapart, encourageaient à soutenir le texte du parti de Marine Le Pen. Selon le président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel, ce choix serait dangereux, pouvant « donner une victoire sociale » au RN, avait-il averti sur BFMTV en septembre. De son côté, le RN entend persister, comme en témoigne le lancement récent d’un site internet pour sensibiliser les électeurs afin qu’ils interpellent leurs députés au sujet de cette réforme.