Un mois après l’établissement de son cabinet, Michel Barnier est confronté à des divergences d’opinion parmi ses ministres et à des menaces de démissions. Le cabinet ministériel est-il déjà sur le point de se désintégrer ?
Bien que Michel Barnier insiste sur le concept d’un « gouvernement uni », ses ministres lui compliquent souvent la tâche. Cependant, ce nouveau chef de gouvernement a la réputation d’être « un négociateur habile », affirme un conseiller du Président Emmanuel Macron, qui note que Michel Barnier accorde « une certaine liberté à chacun ». Les apparitions presque quotidiennes de Bruno Retailleau en sont une preuve : le ministre de l’Intérieur très polarisant a eu la permission de dévoiler sa loi sur l’immigration dans les médias le même jour que la présentation du budget, illustrant ainsi son influence et son autorité. « Il est en harmonie avec les préoccupations des citoyens, qui réclament plus de rigueur », affirme un de ses confrères.
Pourtant, le Premier ministre doit surmonter de nombreux défis : le désordre autour du budget, les menaces de démission … Agnès Pannier-Runacher et Didier Migaud laissent planer le doute en menaçant de quitter leurs fonctions, bien que ce puisse être en partie stratégique : « Ce n’est pas quelqu’un qui se lance tête baissée dans une charge avec un casque », plaisante un membre influent de la majorité au sujet du ministre de la Justice.
Emmanuel Macron intervient également, critiquant le « manque de rigueur » de ses ministres, qu’il accuse d’avoir mal interprété et divulgué ses remarques concernant Benyamin Nétanyahou lors d’une réunion confidentielle du Conseil des ministres. « Il est vrai que ce n’est pas la norme », admet Michel Barnier pour apaiser les tensions. Un ministre soutient que le Premier ministre joue pleinement son rôle : « Les citoyens perçoivent son sens du sacrifice et reconnaissent son courage », et un autre de ses alliés souligne que « sa force réside dans sa fragilité, celui qui tente de le détruire finira par se détruire lui-même ».
L’âpre défi du budget
Sur ce terrain particulièrement sensible, le « risque de censure demeure élevé », concède un député conservateur. « Forcer les choses dès le départ, c’est mal vu après avoir insisté sur le respect du Parlement », poursuit une ministre.
Le texte original est soumis au débat à l’Assemblée à partir de lundi, mais le gouvernement a accumulé les revers tout au long de la semaine en commission des Finances. Un exemple notable : l’abolition de la limite temporaire sur la taxe des hauts revenus. « On en profite à chaque occasion pour donner un coup d’éperon », admet un parlementaire expérimenté, conscient des contradictions de la situation. « Barnier ne nous satisfait pas assez », déplore un fidèle macroniste à l’Assemblée.
Même les anciens membres de l’équipe compliquent la tâche : Gabriel Attal et Gérald Darmanin expriment leur mécontentement face à ce qu’ils estiment être « trop d’impôts et pas assez de réformes ». Le scénario redouté est celui où, après les dysfonctionnements internes, surgissent des tensions entre le gouvernement et ses alliés supposés. À l’Élysée, un proche d’Emmanuel Macron observe la scène avec une vigilance et une retenue : « C’est le forgeage intense de la coalition, les étincelles sont inévitables… »