Afin de redresser les finances de l’État, l’administration dirigée par Michel Barnier compte principalement sur une augmentation des taxes appliquées aux grandes entreprises et aux personnes les plus fortunées, ainsi que sur le report de l’ajustement des pensions de retraite en fonction de l’inflation. Ces stratégies ne sont pas typiquement associées aux politiques traditionnelles de la droite.
Le jeudi 10 octobre, le gouvernement a dévoilé son projet de loi de finances mettant en avant un effort significatif de 60 milliards d’euros pour restaurer les finances publiques, dont 20 milliards proviendront de recettes nouvelles. Ce revirement vers des hausses d’impôts s’est concrétisé avec le retour de la droite au pouvoir. Cela ne correspond pas totalement avec l’essence de cette formation politique après douze années passées dans l’opposition. Nous vivons effectivement une époque politique pleine de surprises. Bien sûr, l’impôt sur le revenu ne sera pas affecté, cependant, le gouvernement projette d’introduire une contribution « exceptionnelle » pour les hauts revenus, ciblant les foyers fiscaux dont les revenus dépassent 500 000 euros pour un couple, ainsi qu’une taxe « exceptionnelle » pour 440 grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
Depuis sept ans, Emmanuel Macron avait fait de la réduction de la fiscalité un élément central de sa politique économique. Le Premier ministre brise ce principe. Au fond, Michel Barnier se distingue totalement de Sigmund Freud : à 73 ans, il ne se préoccupe ni de totems ni de tabous.
Le pari risqué de déstabiliser la base électorale traditionnelle de la droite
Il s’engage sur un terrain politique risqué. D’abord sur le plan symbolique, car au-delà de toucher au credo pro-business d’Emmanuel Macron, il tempère l’optimisme du secteur patronal qui espérait une bouffée d’air avec le retour de la droite. Bien qu’épargnés par les politiques du Nouveau Front populaire, les dirigeants d’entreprises devront faire face au traitement Barnier. Cette politique n’épargnera pas seulement les grands groupes. Des reports ou des révisions concernent aussi les réductions fiscales et aides pour toutes les entreprises, par exemple celles liées à l’apprentissage, un autre symbole du macronisme. Michel Barnier franchit aussi une dernière ligne en repoussant la date d’indexation des pensions sur l’inflation de janvier à juillet 2025. Ce choix pourrait irriter les retraités, une population peu enclins à manifester, mais très active lors des élections. Rappelons que le gouvernement fait face à la menace d’une possible dissolution dès juin prochain.
En ce qui concerne les réductions au niveau des dépenses publiques, les orientations de Michel Barnier sont plus conventionnelles pour un chef du gouvernement de droite. Cela débute par la suppression de 4000 postes d’enseignants, une décision que le gouvernement justifie par la diminution du nombre d’élèves, tout en préservant certains secteurs essentiels comme l’armée, la police, et la justice. Michel Barnier est conscient qu’il doit rassurer son électorat de droite, au Parlement comme ailleurs, s’il souhaite conserver sa place à long terme.