À partir de mercredi, le Parlement commence l’étude du projet de loi de finances pour l’année 2025, avec une première série de discussions au sein de la commission des finances. Cela marque le début d’une phase de débats houleux entre les divers groupes de l’Assemblée nationale, chacun soutenant des propositions distinctes.
La confrontation commence sur un terrain délicat. Le projet de loi de finances pour 2025, qui exige une réduction budgétaire de 60 milliards d’euros selon les objectifs gouvernementaux, s’apprête à être examiné par la commission des finances de l’Assemblée nationale à partir du mercredi 16 octobre. Cette instance, qui évoluera temporairement en commission d’enquête sur les dérives financières de l’État, dispose de trois jours pour discuter des amendements à soumettre à la première partie du texte qui concerne les revenus. Au terme de cette période, un vote consultatif déterminera si le contenu du projet doit être accepté ou rejeté avant d’être débattu dans l’hémicycle le lundi suivant.
Sans grande surprise, le Nouveau Front populaire (NFP) ainsi que le Rassemblement national (RN) ont formulé un grand nombre d’amendements s’opposant au projet de budget présenté en Conseil des ministres. Les principales coalitions du gouvernement, à savoir le bloc présidentiel et Les Républicains, ont également l’intention de défendre des mesures qui s’écartent quelquefois des recommandations de l’exécutif. Franceinfo a sélectionné quelques-unes des propositions les plus significatives des divers groupes de l’Assemblée, qui risquent d’animer les discussions à venir.
Le Rassemblement national
Le Rassemblement national aspire à alourdir la fiscalité sur les rachats d’actions, tandis que Marine Le Pen souhaite réviser en profondeur la taxe douanière particulière dans les territoires d’outre-mer à travers une réforme de l’octroi de mer, dans un contexte de manifestations contre la hausse du coût de la vie en Martinique. Les députés de ce mouvement d’extrême droite veulent aussi revenir sur le report de trois ans de l’élimination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), une taxe additionnelle imposée à certaines entreprises selon leur chiffre d’affaires.
Parmi leurs autres propositions, on retrouve une volonté de durcir l’ »exit tax » ainsi qu’une proposition d’accorder une part fiscale complète dès le deuxième enfant. Le RN envisage de remplacer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) par un impôt sur la fortune financière (IFF), qui exclurait la résidence principale mais inclurait les actifs financiers. Le parti propose également, comme Les Républicains, d’ajuster le malus écologique prévu pour 2025 en lui redonnant son niveau de 2020. De plus, la réduction de la TVA à 5,5% sur l’énergie figure aussi dans leurs amendements soumis à débat.
Le RN espère éliminer les avantages fiscaux dont bénéficient les journalistes et désire imposer davantage ceux qui détiennent des participations dans des entreprises versant des dividendes nettement supérieurs à la moyenne des dernières années. Un autre amendement vise à revoir le financement de certaines associations : le RN propose d’exclure de la réduction d’impôt les dons aux associations dont les membres ont été reconnus coupables d’intrusion dans des installations nucléaires ou de violence envers des professionnels.
Imitant les Républicains, le groupe d’influence du Rassemblement national veut alléger la fiscalité applicable aux donations et aux successions. Par ailleurs, le groupe présidé par Eric Ciotti veut bloquer la mise en place de la contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus et s’opposer à la taxation temporaire d’un grand nombre d’importantes entreprises. Ils souhaitent également revenir sur les avantages accordés aux travailleurs intermittents du spectacle et éliminer la taxe « biens de luxe », ainsi que céder les participations publiques dans l’entreprise Engie.
Le Nouveau Front populaire
Les quatre formations qui composent cette alliance de gauche ont dévoilé leurs dix propositions clés pour accroître les recettes de l’État le jeudi 10 octobre. Ces propositions prennent la forme d’amendements déposés en commun, faute d’un budget alternatif complet. La gauche prône notamment une hausse de la fiscalité des « ultra-riches » et des « grands groupes », par l’élimination des exonérations de cotisations pour les employeurs payant des salaires au-dessus de deux SMIC, le retour d’un impôt sur la fortune renforcé pour les ménages dont le patrimoine net dépasse un million d’euros au 1er janvier 2025, un renforcement de l’ »exit tax » face à l’exil fiscal, ainsi qu’une taxation des héritages conséquents et des super-dividendes. Ils souhaitent également éliminer le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou « flat tax », de 30% sur les revenus financiers, pour générer un total de 49 milliards d’euros sans augmenter les impôts pour les classes moyennes et populaires.
Chacun des groupes de cette union propose aussi des amendements spécifiques. Les élus de La France insoumise souhaitent que le taux d’imposition minimal sur les très hauts revenus soit porté de 20 à 40%, via une contribution exceptionnelle appliquée aux plus fortunés durant trois ans. Les socialistes souhaitent prolonger cette contribution au-delà de 2026. Les écologistes, de leur côté, proposent de taxer de manière dissuasive les modes de production polluants, par le biais d’impôts sur l’utilisation d’engrais azotés ou de pesticides, et de supprimer des niches fiscales défavorables à l’environnement pour réorienter ces fonds vers des pratiques vertueuses telles que l’agriculture biologique. Enfin, les élus communistes demandent l’annulation de l’augmentation prévue de la taxe sur l’électricité, qui devait passer à 50 euros par mégawattheure.
Les alliés d’Emmanuel Macron
Dans les amendements déposés, les trois partis du groupe central (Renaissance, MoDem, Horizons) prennent des positions parfois divergentes de celles du gouvernement, bien qu’ils soutiennent l’administration dirigée par Michel Barnier. Les députés du groupe Ensemble pour la République, sous la direction de Gabriel Attal, souhaitent restreindre la durée de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à une seule année. Plusieurs membres de ce groupe et d’Horizons proposent de retirer des articles liés à la taxation de l’électricité, des chaudières à gaz et des grandes entreprises.
Quant au groupe MoDem, ils pourraient trouver des terrains d’entente avec le Nouveau Front populaire, à travers leurs amendements qui visent à pérenniser la surtaxe sur les hauts revenus, à augmenter le taux de la « flat tax » sur le capital, et à renforcer l’ »exit tax » contre l’évasion fiscale. Le groupe propose aussi une taxe à la source sur les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées connues comme « polluants éternels ». Les écologistes se montrent favorables à une telle taxe, mais à un tarif bien supérieur.
Dans le parti Horizons, les membres cherchent à maintenir le dispositif de monétisation des RTT, à exonérer certains dons à usage familial de droits de mutation à titre gratuit, notamment ceux destinés à la construction de nouveaux logements, et à prolonger l’exonération fiscale et sociale sur les pourboires.
Les Républicains
Les Républicains trouvent-ils satisfaction dans les choix budgétaires de l’exécutif ? Pas complètement. À travers leurs amendements, ces parlementaires de droite refusent certaines mesures envisagées par le gouvernement pour renflouer les caisses de l’État, telles que l’augmentation annoncée de la taxe sur l’électricité et le malus automobile.
Plus globalement, les élus républicains préconisent de réduire les dépenses publiques plutôt que d’augmenter les impôts, pour résorber la détérioration des comptes publics. Ils manifestent ainsi leur intention de réduire la fiscalité sur les successions et les donations, incluant une extension de l’abattement fiscal prévu uniquement pour les donations actuellement. Toutefois, ils souhaitent rehausser la fiscalité applicable aux éoliennes terrestres.
Le groupe Liot
Le groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) déplore que le plan budgétaire du gouvernement dépende excessivement de la hausse des recettes. Charles de Courson, rapporteur général du budget, s’inquiète des effets potentiellement récessifs d’un tel ajustement budgétaire de 60 milliards d’euros demandés par l’exécutif. Dans l’une de leurs propositions, ils suggèrent d’augmenter les taux de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus pour renforcer l’équité fiscale. Le groupe recommande également d’exonérer certains vols vers les territoires ultramarins ou la Corse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, dans le but de diminuer les coûts des déplacements et d’assurer la continuité territoriale.
De plus, les élus Liot proposent un rapport sur le coût du Service national universel pour envisager son abolition, ainsi que de reporter d’un an la fusion programmée pour janvier 2025 de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Face à la demande de 5 milliards d’euros d’efforts des collectivités locales, ils souhaitent une augmentation de la Dotation globale de fonctionnement en faveur de petites communes et annuler la diminution prévue du fonds de compensation pour la TVA.