Cette semaine, accompagné de Thierry Fiorile et Matteu Maestracci, le programme cinéma met en avant « L’Histoire de Souleymane », réalisé par Boris Lojkine, ainsi que le film « Niki » de Céline Sallette.
Souleymane slalome à bicyclette à Paris, tentant de respecter le calendrier serré et les avis laissés par les utilisateurs du service de livraison pour lequel il travaille. Dans les rares moments où il peut souffler, il s’efforce de mémoriser, en français correct, un récit fictif supposé faciliter l’obtention d’un titre de séjour, un récit transmis d’un migrant à un autre. Sa situation se complique encore lorsque sa partenaire restée en Guinée lui annonce son mariage avec quelqu’un d’autre, et il doit aussi rembourser une dette à une connaissance qui lui a fourni ce fameux discours à réciter.
Une œuvre écrite, pensée, filmée et jouée avec brio
À ceci s’ajoute qu’Abou Sangare, qui incarne Souleymane – lauréat du Prix du jury et Prix d’interprétation masculine à Cannes dans la catégorie « Un Certain Regard » pour sa performance – est lui-même en attente de son permis de séjour en France, malgré sa situation précaire et plusieurs emplois.
Le film est intense et oppressant, il saisit le spectateur aux tripes, laissant une impression d’étouffement tant on se sent presque à la place de Souleymane. Mais au-delà de son histoire personnelle, Boris Lojkine explore un univers où l’humanité se perd, où la cadence est effrénée, et où les individus sont réduits à de simples numéros ou cases à cocher selon les exigences.
Abou Sangare rayonne par son charisme, et Nina Meurisse, bien qu’apparue seulement vers la fin du film, est également impressionnante. Vraiment, L’Histoire de Souleymane est une œuvre cinématographique d’exception.
Niki
par Céline Sallette
Figure marquante du mouvement des nouveaux réalistes des années 60, aux côtés d’Yves Klein, Arman ou Jean Tinguely – son partenaire –, Niki de Saint Phalle, disparue en 2002, s’est fait connaître comme peintre, sculptrice et artiste pluridisciplinaire.
Céline Sallette, à qui nous devons cette œuvre, nous évite le format traditionnel du biopic. Elle se focalise plutôt sur la naissance artistique de Niki, ou plutôt sa renaissance. Marquée par un passé de violence intrafamiliale et une hospitalisation en psychiatrie, Niki ressent que l’art, notamment la sculpture, sera sa planche de salut.
Charlotte Le Bon, elle-même artiste visuelle, incarne admirablement cette phase où Niki de Saint Phalle réussit à échapper à la folie. Ses œuvres comme la fontaine Stravinsky à Beaubourg, Paris, et ses fameuses performances de tirs, où elle utilisait une carabine pour révéler les couleurs cachées de ses œuvres, sont peut-être déjà connues de vous. Sallette parvient à évoquer la symbolique de ces créations et au passage l’obstacle de ne pas avoir pu montrer ces œuvres à l’écran.
C’est ainsi un anti-biopic réussi : choisir de ne présenter que les débuts de Niki de Saint Phalle et faire face à l’interdiction de représenter ses créations. Quitter la salle de cinéma avec l’envie de mieux connaître une artiste : mission réussie.