Mardi après-midi, Michel Barnier présentera en détail aux députés le programme de son gouvernement. Presque un mois après avoir été nommé chef du gouvernement, il se retrouvera devant une assemblée peu favorable.
« Mardi, ça va être l’horreur absolue, la gauche va être folle furieuse. » Ce cri d’alarme d’un député des Républicains n’est pas isolé. Nombreux sont ceux qui craignent une ambiance explosive dans les couloirs de l’Assemblée nationale pour la présentation de la déclaration de politique générale par Michel Barnier, le mardi 1er octobre à 15 heures. Le Premier ministre, devant les députés, doit détailler les priorités de son gouvernement et expliquer comment il entend les mettre en œuvre depuis Matignon.
Cet exercice, prévu par la Constitution, revêt une importance capitale pour ce jeune gouvernement dont la base politique est précaire. Plusieurs partis, y compris au sein même du camp présidentiel, ont averti Michel Barnier de ne pas franchir certaines « lignes rouges » sous peine de perdre leur soutien, voire de provoquer une motion de censure. Voici les enjeux de ce rendez-vous crucial pour Michel Barnier et son équipe.
Un exercice crucial mais sans vote de confiance à la fin
Près de quatre semaines après sa nomination par Emmanuel Macron, Michel Barnier doit faire son entrée officielle à l’Assemblée nationale mardi, accompagné de l’ensemble de son équipe gouvernementale. Peu d’informations ont filtré sur le contenu de son discours, censé tracer les grandes lignes de sa politique pour les mois à venir. Il ne s’agira « pas d’un catalogue, mais bien d’un ensemble de grandes priorités et quelques mesures radicales », indique sobrement son entourage à France Télévisions.
Pour peaufiner ce discours, le Premier ministre s’est appuyé sur un séminaire gouvernemental organisé vendredi dernier à Matignon. Un conseiller ministériel a confié à 42mag.fr que Michel Barnier avait demandé à chaque ministre de soumettre des propositions pour bâtir sa déclaration de politique générale. Reste à voir lesquelles de ces idées seront intégrées par le Premier ministre.
Une chose est certaine : aucun vote de confiance n’est prévu après le discours, comme l’a confirmé l’entourage de Michel Barnier à 42mag.fr. C’est une « pratique habituelle sans majorité absolue », « pas une disposition constitutionnelle », précise-t-on à Matignon, ajoutant que « chaque texte législatif sera discuté avec l’ensemble des acteurs politiques ». Les prédécesseurs de Michel Barnier, Elisabeth Borne et Gabriel Attal, n’avaient eux non plus sollicité la confiance des députés après leurs discours.
Les annonces sur la gestion des finances publiques au centre de l’attention
Michel Barnier sera particulièrement attendu sur la question des finances publiques, un sujet brûlant dans le contexte actuel de difficultés budgétaires. Pour tenter de redresser les comptes publics, va-t-il annoncer une réduction drastique des dépenses de l’Etat ou une hausse significative des impôts ?
Selon une source au ministère de l’Economie interrogée par France Télévisions, l’une des options envisagées pourrait être de demander aux collectivités territoriales de réduire leurs dépenses. Leur excès de dépenses a conduit à un « dérapage » du déficit de 16 milliards d’euros en 2024, selon l’ancien ministre Bruno Le Maire. En ce qui concerne les recettes, « Michel Barnier a parlé de ne pas taxer ceux qui travaillent. Les retraités ne travaillent pas, donc les plus riches parmi eux pourraient être mis à contribution », avance cette source à Bercy.
Des propos sur l’Etat de droit scrutés
Depuis son arrivée à Matignon, Michel Barnier a fait de l’immigration l’un des pivots de son action politique. « Nous allons prendre des mesures concrètes pour limiter et contrôler l’immigration, qui devient souvent insupportable et empêche de bien accueillir ceux que nous recevons », a-t-il déclaré sur France 2, le dimanche 22 septembre. Cette thématique sera sans doute abordée à nouveau lors de son discours de mardi.
Par ailleurs, sa position sur l’Etat de droit sera également examinée avec attention, surtout après les propos controversés du nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui a déclaré dans le JDD que « l’Etat de droit n’est ni intangible ni sacré ». Cette déclaration a provoqué un tollé au sein du bloc présidentiel, y compris chez certains membres du gouvernement. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a par exemple rappelé que l’Etat de droit « protège notre démocratie », exprimant son « inquiétude » quant aux propos de Retailleau.
La réaction du RN regardée de près
La réaction du Rassemblement national au discours de Michel Barnier sera particulièrement observée, car elle influencera en partie la stabilité du gouvernement. Depuis que Michel Barnier a pris les rênes du gouvernement, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella joue un rôle crucial. En combinant leurs voix à celles de la gauche lors d’un vote de censure, ils pourraient faire tomber le gouvernement. Pour l’heure, le RN adopte une attitude prudente, émettant des exigences claires. « Si Barnier cède aux demandes de la gauche, il y aura censure », a averti Laurent Jacobelli sur 42mag.fr. Le porte-parole du RN a souligné les « lignes rouges » de leur parti en matière d’immigration, de pouvoir d’achat et de sécurité.
La gauche attendue sur le dépôt d’une motion de censure
Contrairement au RN, la gauche ne compte pas attendre pour exprimer son désaccord avec la politique de Michel Barnier. Les quatre groupes parlementaires du Nouveau Front populaire à l’Assemblée nationale voteront la censure. Cependant, deux éléments seront à surveiller de près chez les 193 élus de la gauche : vont-ils déposer une motion de censure immédiatement après la déclaration de politique générale, mardi en fin de journée ? Si c’est le cas, le vote pourrait intervenir dès jeudi, obligeant les 11 groupes parlementaires à se prononcer rapidement sur le sort du gouvernement Barnier. L’autre point à observer concernera la forme prise par la contestation : des députés de gauche perturberont-ils le discours du Premier ministre mardi après-midi ? « Je crains le pire : cela fait quatre mois que les insoumis n’ont pas été dans l’hémicycle, ça risque d’être chaotique », anticipe un député LR.
La réponse d’une partie du bloc présidentiel guettée
En théorie, les trois partis de l’ancienne majorité présidentielle forment le « socle commun » sur lequel repose le gouvernement de Michel Barnier. Ils ne devraient donc pas s’opposer à ses orientations. Cependant, dans les faits, ils sont très exigeants et attendent des garanties du nouveau chef du gouvernement. Certains ont été irrités par la déclaration de Bruno Retailleau sur l’Etat de droit, tandis que d’autres sont fermement opposés à toute augmentation des impôts. Il sera donc important de surveiller les réactions, notamment celles des députés de l’aile gauche d’Ensemble pour la République et du MoDem, pour voir si le soutien à Michel Barnier commence déjà à s’effriter.