Une ex-responsable des finances de Kiabi est accusée d’avoir orchestré un détournement de fonds estimé à 100 millions d’euros, au détriment de l’entreprise pour laquelle elle travaillait. Aurélie B., qui mène désormais une vie de jet-setteuse à Miami, aurait, semble-t-il, accumulé un passé ponctué de manœuvres frauduleuses de plus en plus élaborées.
Une fraude d’envergure clôturée par une révélation inattendue
Dans une annonce spectaculaire relayée par France info, Kiabi a révélé en septembre 2024 avoir été la cible d’une immense fraude financière. L’investigation a révélé qu’une de leurs trésorières était la principale suspecte. Cette femme, qui en 2022 vantait les excellentes relations du groupe avec ses partenaires dans une vidéo d’entreprise, a été vue deux ans plus tard à Miami, avec un style complètement transformé. La question se pose : comment a-t-elle réalisé une ascension sociale aussi rapide ? Le reportage de l’Œil du 20H fait la lumière sur la cavale d’une comptable qui visait une vie de luxe en Floride.
Une figure flamboyante du design
En avril 2024, en Floride, une designer française, connue sous le nom d’Aurélie B., devient sous le feu des projecteurs en redécorant l’entrepôt privé d’un célèbre DJ américain. Dans une vidéo diffusée sur le réseau social du DJ, elle explique : « Nous avons ajouté notre touche personnelle pour harmoniser l’espace au style de l’avion, pour qu’il s’y sente comme chez lui, parfaitement à l’aise. » En quelques mois, Aurélie s’est imposée en tant que designer de luxe pour les figures notoires de Miami, menant une existence opulente sous le couvert d’une riche héritière. Cependant, ses parents menaient respectivement des carrières ordinaires dans l’industrie automobile et les soins infirmiers, indiquant clairement que son train de vie n’était pas financé par un héritage.
« Une experte de la trésorerie »
C’est en juin 2017 qu’Aurélie B. s’installe à Paris, quittant Bordeaux avec l’intention de dynamiser sa carrière. Au même moment, l’INSEEC était à la recherche d’un trésorier. Aurélie pose sa candidature et impressionne lors de l’entretien : « Elle s’adaptait rapidement aux changements et proposait constamment de nouvelles idées, » notait la recruteuse. Aurélie ne tarde pas à inspirer l’admiration. « Elle était experte en trésorerie », se remémore une ex-collègue. Ce charisme lui permet de ne jamais voir ses diplômes vérifiés. Un établissement britannique, où elle prétendait avoir étudié, répond d’ailleurs avec surprise : « Elle n’a jamais passé d’examens, ni obtenu de diplôme chez nous. » Des vérifications du même acabit à Bordeaux n’ont trouvé aucune preuve de son passage dans leurs registres.
Pourtant, Aurélie B. parvient à mettre sur pied une escroquerie en quelques mois après son recrutement à l’INSEEC. Elle modifie les identifiants bancaires de prestataires sur des factures grâce à un logiciel de retouche. Son ancienne avocate, Maître Mélanie Portalis, fait part de son procédé qui lui semblait peu sophistiqué : « Elle enlevait l’IBAN et en mettait un autre. »
Stratégies de manipulation et éloignement
Maitre Portalis ajoute que certaines factures étaient transmises directement par Aurélie B. au service de comptabilité. Elle justifiait ces actions en blâmant un « bug sur l’appli. » Des cadres au-dessus d’elle n’ont pas détecté la fraude malgré la validation requise de ces paiements. Sans éveiller de soupçons, elle a manipulé ses collègues en utilisant leur confiance, exerçant parfois des pressions verbales : « Elle disait souvent que c’était la direction qui demandait de telles actions », dévoile l’un d’entre eux. En un an, Aurélie B. subtilise plus de 760 000 euros à l’INSEEC, finissant par être démasquée et renvoyée après la découverte de la fraude lors d’un audit interne.
Un aveu étonnant et d’autres révélations
Devant la police, elle confesse que les fonds détournés étaient destinés à rembourser une précédente escroquerie impliquant son ancien employeur, Cultura. Elle avait abusé de sa carte professionnelle pour des dépenses personnelles, mais la chaîne, à l’époque, n’a pas engagé de poursuites. En revanche, l’INSEEC agit légalement. Le tribunal de Paris la condamne à deux ans de prison avec sursis.
Malgré sa condamnation, elle obtient un poste chez Kiabi, qui ignora ses démêlés judiciaires. En 2023, Aurélie est chargée d’un transfert de 100 millions d’euros à une banque allemande, somme que Kiabi ne recouvre pas. Comment une telle somme a-t-elle pu disparaître ? Des consignes de silence sont données au sein de Kiabi, bien que les employés soient en état de choc face à une fraude de cette envergure menée en interne.
Kiabi affirme qu’Aurélie a détourné le processus rigoureux malgré les contrôles stricts. « Toutes les procédures en vigueur ont été respectées », précise un communiqué de l’entreprise, soulignant l’importance de la position de l’accusée.
« Impossible de tout faire seul »
Comment une telle fraude a-t-elle pu se produire sans complicité interne ? Selon Jean-Marc Allouët, expert en risques financiers, ce genre de manipulation nécessite l’implication de plusieurs personnes. Aurélie aurait pu contourner les mesures grâce à une usurpation d’identité ou une faille logicielle qui n’a pas demandé de signatures supplémentaires.
Des documents indiquent qu’Aurélie B. aurait usurpé l’identité de la présidente du groupe pour orchestrer le transfert de fonds vers la Turquie. Une enquête judiciaire est en cours. Aurélie B. est aujourd’hui en détention provisoire, sous le coup d’une inculpation. Ses avocats n’ont pas souhaité faire de commentaire, et elle reste présumée innocente dans l’attente de son procès.