Des produits chimiques dangereux contaminent l’approvisionnement en eau de la France à des niveaux bien pires que ceux connus auparavant, avec des dizaines de sous-produits de pesticides toxiques qui ne sont pas contrôlés, prévient un groupe environnemental.
Dans un rapport publié cette semaine, l’ONG Générations Futures a constaté que 56 sous-produits de pesticides appelés métabolites – substances formées lors de la dégradation de produits chimiques – ne sont pas surveillés dans les eaux souterraines ou l’eau potable, bien qu’ils dépassent probablement les limites de sécurité légales.
Leur analyse, basée sur les recherches de l’agence française d’hygiène et de sécurité, a révélé que ces métabolites contaminent probablement les eaux souterraines au-delà de la limite légale de 0,1 microgramme par litre.
Les substances peuvent s’infiltrer dans le sol, les eaux de surface et les eaux souterraines avant de se retrouver dans les réserves d’eau potable.
Douze des métabolites non surveillés présentent des risques particuliers, notamment l’acide trifluoroacétique (TFA), qui a été trouvé à des niveaux alarmants à Paris.
« Avec nos collègues du Pesticides Action Network Europe, nous avons prélevé des échantillons d’eau de rivière et d’eau du robinet, et analysé la présence de TFA… et nous en avons trouvé dans de nombreux endroits, en très grande quantité », François Veillerette, de Générations Futures, a déclaré à 42mag.fr.
« Nous avons trouvé plus de deux microgrammes de TFA par litre (dans la Seine)… et dans l’eau du robinet, à peu près la même quantité. Donc deux microgrammes par litre, c’est 20 fois la (limite légale de) 0,1 microgramme par litre », a-t-il déclaré. .
Les résultats soulèvent la question de savoir si certaines régions françaises sont confrontées à des risques de contamination plus élevés que d’autres.
« Le travail n’est pas terminé de notre côté (…) car nous avons pointé du doigt un risque global (mis en évidence) par le manque de recherche », a déclaré Veillerette.
« Nous écrivons à toutes les agences régionales de santé (…) pour surveiller (la présence) de tels métabolites. Nous sommes en train de procéder à des analyses région par région. »
La menace s’étend à l’échelle nationale : la qualité de l’eau dans au moins un tiers de la France est menacée par la seule contamination par les TFA.
Des risques sanitaires inconnus
Le TFA provient de la décomposition de « produits chimiques éternels » appelés PFAS, présents dans les pesticides, les revêtements antiadhésifs et les cosmétiques.
L’ONG a averti que les autorités françaises ne peuvent pas ignorer les dangers du TFA, notant que les autorités sanitaires allemandes suggèrent de le classer comme toxique pour la reproduction.
Plus inquiétante encore est l’incertitude entourant l’exposition à long terme à ces substances présentes dans l’eau potable.
« Ce qui est vraiment étonnant, c’est que c’est une « inconnue »… personne ne connaît (les effets potentiels) car il n’y a pas d’études nécessaires sur les métabolites », a déclaré Veillerette, avertissant que si la recherche arrive trop tard et « ils sont partout, alors nous ne pouvons rien faire ».
Bien que les données sur les niveaux sûrs restent insuffisantes, le groupe prévient que ces produits chimiques s’accumulent avec le temps et pourraient créer un dangereux « effet cocktail ».
« Il faudrait au moins surveiller immédiatement l’éventuelle apparition de métabolites, afin de ne pas avoir de mauvaise surprise dans 10 ans », a déclaré Veillerette.
Le gouvernement fait marche arrière
Générations Futures souhaite des actions immédiates pour améliorer le contrôle et réduire l’utilisation des pesticides, comme le prévoit le plan Ecophyto de 2008.
En tant que l’une des personnes qui ont négocié et rédigé le plan, Veillerette a déclaré que même s’il visait à réduire l’utilisation des pesticides de 50 pour cent en 10 ans, il n’a pas réussi à tenir ses promesses.
« Au début de l’année, l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a cédé à la pression des groupes de pression agricoles lors de manifestations agricoles et a décidé d’abandonner les anciens indicateurs de santé et de les remplacer par des indicateurs européens (de base sur la santé)… qui sont trompeurs et montrent des baisses. même s’il n’y a eu aucune diminution de l’utilisation de pesticides… ce qui est complètement absurde », a-t-il déclaré.
« Mais pour faire la paix avec les syndicats agricoles, (Attal) a cédé très vite. »
Alors que la sécurité de l’eau en France est en jeu, les experts avertissent que cette crise invisible mais croissante exige une attention urgente.