Kate Winslet prête ses traits à Lee Miller, une photographe déterminée à surmonter tous les obstacles pour immortaliser l’Histoire à travers son objectif. Dans ce rôle, l’actrice personnifie cette artiste rigoureuse qui accepte les marques du temps sur elle. C’est le parcours bouleversant d’une femme indépendante et d’une artiste audacieuse confrontée aux atrocités du monde.
Peu de photographes peuvent se targuer de faire l’objet d’un biopic. Aller au-delà de la simple vision artistique et de l’œuvre pour embrasser un destin riche en péripéties est essentiel. Des figures comme Capa, Man Ray ou encore Vivian Maier pourraient prétendre à cet honneur, et que ceux que je ne mentionne pas me pardonnent. Mais c’est bel et bien Lee Miller, la plus emblématique et mystérieuse photographes du 20ᵉ siècle, qui s’impose à l’écran, incarnée avec vigueur par Kate Winslet. En salle le 9 octobre 2024.
En pleine guerre
Le film s’ouvre sur un champ de bataille tonitruant et périlleux, évoquant l’atmosphère de Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg. Nous sommes à Saint-Malo, en août 1944. Lee Miller, photographe de guerre, suit les forces de libération alors qu’elles avancent face à une Wehrmacht désorganisée. Les combats sont intenses, le Mur de l’Atlantique doit céder sous le poids des pertes humaines. La peur et la détermination se lisent sur son visage.
Quelques mois plus tôt, par un flash-back, nous retrouvons une ambiance bucolique à Mougins, baignée par le soleil méditerranéen, rappelant un film de Jean Renoir. Lee Miller, splendide et séduisante, vit intensément. C’est l’avant-guerre, où l’insouciance rime avec vin rouge et pique-niques champêtres. L’alcool et les rires sont abondants, et les mots d’esprit fusent. Parmi les participants à ce moment de convivialité se trouve l’artiste Paul Eluard, qui écrira plus tard « Liberté » en 1942 pendant l’occupation.
Mais, déjà, l’inquiétude s’installe. Le danger nazi plane. « Un beau matin, l’Europe était en guerre », note Lee Miller.
L’histoire avance, et Lee Miller, plus âgée, apparaît marquée par l’alcool et la cigarette, son visage ridé par la désillusion. Elle se livre, elle, autrefois mannequin radieux, qui a quitté tout cela pour aller sur les champs de bataille et libérer sa propre essence. Sur près de deux heures, le film retrace sa vie tumultueuse et son combat pour les droits des femmes.
Dans la baignoire de Hitler
Vient ensuite la photographie qui pourrait résumer toute son existence. Lee Miller, nue, dans la baignoire d’Adolf Hitler. Elle arrive des camps de Buchenwald et Dachau, l’une des rares à immortaliser ces atrocités. Des corps émaciés, des montagnes de cadavres, des regards figés par la mort. Lee Miller ne cesse de photographier malgré la nausée. Ces visions traumatisantes ne la laisseront pas indemne. Sa route la mène au 16 Prinzregentenplatz, résidence d’Hitler à Munich, après son suicide à Berlin. Elle décide de prendre un bain…
Lee Miller ne cherche pas la provocation, mais reproduit la brutalité de cette époque. David Sherman, photographe pour Life, saisit ce moment. Elle se purge de l’horreur de Dachau dans la baignoire d’Hitler. Pourtant, elle n’en parlera plus jamais.
Kate Winslet s’est approprié le rôle de Lee avec ferveur. À propos de son personnage, elle déclare : « Les gens adoraient Lee. Elle rendait les hommes fous, même sans maquillage et les cheveux en désordre. Elle restait authentique et irrésistible. J’ai voulu incarner cette femme complexe, indépendante, parfois difficile à suivre, imprévisible et indomptable. » Lee elle-même se décrit parfaitement par cette phrase : « J’étais douée pour le sexe, l’alcool, et la photographie. »
Payer le prix de l’horreur
Après la guerre, Lee découvre que ses photos ne sont pas publiées. Andrea Riseborough, qui incarne brillamment Audrey Withers, la rédactrice en chef britannique de Vogue, explique : « Les gens ont besoin de mieux se sentir. » Lee Miller est désillusionnée, ne comprenant pas les attentes du public. Winslet semble avoir capté l’essence de Lee, hommage rendu à son charme et son franc-parler.
Alexander Skarsgård, qui joue Roland Penrose, le poète et photographe anglais devenu son époux, raconte : « La passion de Kate pour ce projet était contagieuse. On voyait qu’elle avait une connaissance approfondie de chaque personnage, et c’est ce qui m’a aussi convaincu, ainsi que plusieurs de mes collègues, de participer. »
Lee Miller abandonne la photographie de guerre, accablée par la dépression et les secrets familiaux non résolus, pour se détourner vers la cuisine, son refuge. Dans ce biopic, ses aveux, un verre de scotch à la main et une cigarette aux lèvres, vers la fin de sa vie, entre amertume légendaire et tristesse profonde, rendent hommage à son parcours. Winslet se dévoile sans artifices, exposant rides et traits marqués.
Grâce à elle, ce biopic permettra de découvrir pleinement cette grande photographe et femme extraordinaire, qui s’est battue pour sa liberté. Elle a préféré disparaître plutôt que de se laisser effacer.
La fiche
Genre : Biopic Drame Guerre
Réalisateur : Ellen Kuras
Acteurs : Kate Winslet, Andy Samberg, Alexander Skarsgård, Marion Cotillard
Durée : 1h57
Sortie : 9 octobre 2024
Distributeur : SND M6
Synopsis : L’incroyable parcours de Lee Miller, ancien mannequin pour Vogue et muse de Man Ray, devenue l’une des premières femmes photographes de guerre. Déterminée à exposer les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, son courage et sa défiance des conventions ont bouleversé la perception du monde.