Lors d’une performance immersive qui s’appuie sur le cœur de l’histoire de son film culte de 1995, l’acteur et metteur en scène revisite et approfondit son discours, en mettant l’accent sur l’importance de la coexistence harmonieuse et de l’attention portée à la jeunesse des quartiers populaires, où la situation demeure inchangée. Nous avons eu la chance d’être présents lors de la deuxième représentation, celle du 11 octobre, à La Seine Musicale.
Un retour sur scène captivant
Trois décennies après la sortie de La Haine, qui lui avait valu le César du meilleur film en 1995, Mathieu Kassovitz revisite son œuvre culte avec un spectacle scénique audacieux. Nommé La Haine, Jusqu’ici rien n’a changé, ce projet combine danse hip-hop, rap, et théâtre, répondant ainsi à sa promesse d’offrir quelque chose d’à la fois ambitieux et novateur. La pièce, marquée par un message politique poignant, est présentée à La Seine musicale de Boulogne-Billancourt jusqu’au 5 janvier, avant de tourner à travers la France jusqu’en juin 2025.
Une mise en scène saisissante
Dès la première scène, le cadre est planté avec réalisme. Au milieu d’une cité morne, ornée de fresques à l’effigie de poètes comme Arthur Rimbaud et Charles Baudelaire, des policiers casqués assurent la sécurité. L’appel de Saïd à Vinz pour qu’il descende déclenche l’animation des personnages apparaissant aux fenêtres de l’immeuble. Parmi eux, la projection virtuelle d’Angélique Kidjo entonne un chant, bientôt accompagnée par d’autres résidents, mêlant des sons maghrébins aux accents de guitares gitanes.
Sur un plateau tournant ingénieusement conçu, une douzaine de jeunes démarre une danse mêlant hip-hop et autres styles. Vinz et Saïd entament alors leur voyage, le décor évoluant avec eux grâce à un tapis roulant astucieux. Ce numéro illustre le génie créatif, appuyé par des effets 3D du studio canadien Silent Partners.
Un spectacle fidèle au film original
Le spectacle se compose d’une douzaine de scènes qui s’enchaînent, reprenant le fil du long métrage. On suit Saïd, Vinz, et Hubert, trois jeunes de Chanteloup-les-Vignes, au lendemain d’une nuit d’émeutes provoquée par une bavure policière. Ces derniers se retrouvent par hasard avec une arme égarée par un agent de la force publique. Le spectacle reprend des scènes iconiques telles que la grillade sur le toit HLM réclamée par Saïd, le soliloque agressif de Vinz devant son miroir, inspiré de Taxi Driver, ou encore la garde à vue agitée de Saïd et Hubert.
Des chansons pour porter le récit actuel
L’histoire se développe désormais grâce à des morceaux musicaux qui servent à exprimer les émotions et les perspectives des personnages. Sous la direction musicale de Proof, le rap est à l’honneur, agrémenté de touches électroniques offertes par The Blaze, ainsi qu’une composition symphonique avec Le chant des partisans.
Les textes des chansons ont été écrits avec la participation d’artistes renommés comme Mathieu Chedid, ainsi que des rappeurs tels que Youssoupha, Médine, et Oxmo Puccino. Des talents émergents de la scène rap, tels que Doria et Benjamin Epps, ont également contribué. Ces morceaux, interprétés par les comédiens, figurent sur un album sorti le vendredi 11 octobre.
Un regard affirmé sur le présent
Mathieu Kassovitz et son co-metteur en scène Serge Denoncourt intègrent des éléments modernes pour ancrer ce spectacle dans l’actualité. Un générique en noir et blanc rappelle des événements récents de protestation contre la violence policière, en faisant référence à des figures comme George Floyd et les mouvements comme Black Lives Matter.
Avec finesse, la mise en scène intègre des anachronismes tels que les téléphones portables, des références culturelles contemporaines, et des clins d’œil à des personnalités du moment. Le spectacle se permet aussi une touche politique à travers l’humour, soulignant les tensions actuelles.
Éléments additionnels et humour
Le spectacle apporte des changements originaux, comme l’introduction d’une figure féminine, la partenaire voilée de Vinz. Interprétée par Doria, elle incarne un rôle qui prône l’évasion de la violence et appelle à la paix, dans un hommage aux icônes comme Diam’s.
Un policier exprime également sa frustration et son regard sur les difficultés de son métier, ajoutant une dimension de dualité au récit. Les chorégraphies solides, orchestrées par Emilie Capel et Yaman Okur, insufflent une énergie communicative au spectacle, qui sait également susciter le rire avec des scènes mémorables et humoristiques.
Une distribution qui brille
Le défi de succéder aux acteurs iconiques du film est relevé par de jeunes talents. Samy Belkessa, jouant le rôle de Saïd, se démarque avec un charme naturel. Alivor incarne un Hubert convaincant par sa sagesse, tandis qu’Alexander Ferrario réinterprète Vinz avec une vulnérabilité touchante, bien que différente de celle de Vincent Cassel.
En conclusion, le spectacle réimagine la fin célèbre du film avec une brillante intervention de Médine, qui répond à la question restée en suspens : Qui a tiré ?. Le public, ému, a réservé une ovation à ce spectacle qui, tout en capturant l’esprit originel de La Haine, propose une réflexion enrichie et actuelle sur les défis sociaux.