Le chef du gouvernement a accordé une entrevue au journal « La Tribune dimanche ». Cette semaine, il devra faire face à une motion de censure pour la première fois mardi, et dévoiler son plan budgétaire pour l’année 2025 jeudi.
Le premier ministre, Michel Barnier, a de nouveau exposé plusieurs idées pour réaliser des économies. S’exprimant dans La Tribune dimanche le 6 octobre, il a mis en garde une fois de plus contre les dangers d’une possible « crise ». Cela intervient alors qu’il doit faire face à une motion de censure mardi et qu’il présentera jeudi son projet de budget pour 2025. Dans cette interview, Michel Barnier annonce également son intention de se rendre en Nouvelle-Calédonie « en temps voulu », en espérant parvenir à un « chemin d’apaisement » grâce aux mesures qu’il a annoncées lors de sa déclaration de politique générale. Voici quelques points clés de ses déclarations.
Confirmation du report de la revalorisation des retraites
Michel Barnier a confirmé que la revalorisation des retraites, initialement prévue pour le 1er janvier, sera reportée au 1er juillet, ce qui devrait permettre de réduire les dépenses de « 4 milliards d’euros », à condition que les parlementaires ne « trouvent pas d’économies équivalentes ailleurs ». « Je suis conscient que cette mesure, bien que déjà incluse dans le budget et qui sera de toute façon appliquée en 2025, suscite des inquiétudes, notamment chez ceux qui ont de petites pensions », a-t-il reconnu lors d’un sommet de l’élevage dans le Puy-de-Dôme.
Marine Le Pen, cheffe de file des députés RN, a annoncé vendredi sur le réseau X, que son groupe s’opposera à ce report. Le groupe envisage également de proposer un texte pour abroger cette décision le 31 octobre à l’Assemblée nationale, profitant d’une « niche parlementaire ».
Détails sur les pistes d’économies
« La crise pourrait survenir si rien n’est fait. C’est notre devoir de la prévenir. » Encore une fois, Michel Barnier défend ses mesures de « redressement » des finances publiques, déjà critiquées, qui incluront 60 milliards d’économies dans le budget à venir, avec 40 milliards de réduction des dépenses et 20 milliards de recettes fiscales supplémentaires. « Il est essentiel de réduire le déficit public par responsabilité », souligne-t-il. « Les augmentations d’impôts seront exceptionnelles et concerneront principalement les grandes entreprises et les très hauts revenus. Elles dureront au maximum deux ans et seront légalisées », précise-t-il après une intervention publique dans « L’Événement ».
Il annonce également dans l’entretien à La Tribune sa volonté de « réévaluer » les allègements de cotisations accordés aux entreprises et de récupérer quatre milliards d’aides. D’autres possibilités sont évoquées dans le domaine social, telles que la réduction des « coûts des arrêts de travail ». « Nous en discuterons avec les parlementaires », indique-t-il, ou encore la révision des « effets d’aubaine » liés à l’apprentissage, sans toutefois donner de chiffre précis à ce stade.
L’État sera également sollicité et « nous demanderons à tous les ministres de participer à l’effort », affirme le Premier ministre. Cela inclut la Défense, la Justice et la Recherche, malgré les lois de programmation en cours, qui « devront fournir leur part, notamment par redéploiements ».
Le Premier ministre désire « simplifier le fonctionnement de l’État » en supprimant les doublons, tels que les « deux agences de promotion de l’économie française à l’international », Business France et Atout France. « Nous allons également entamer des discussions avec les collectivités locales », en collaboration avec la nouvelle ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin. Toutefois, il garantit qu’il « n’y aura pas de suppressions sur les effectifs de la fonction publique ». « Je sais que des fonctionnaires sont essentiels pour assurer un service public de qualité, que ce soit dans la santé, dans les hôpitaux, dans l’éducation nationale ou pour la sécurité », assure-t-il.
Amélioration des expulsions en matière d’immigration
En ce qui concerne la gestion de l’immigration, Michel Barnier souhaite « utiliser tous les moyens » pour faciliter les expulsions, y compris via la renégociation de traités bilatéraux pour améliorer les relations avec le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et d’autres nations. Ce domaine relève d’une compétence diplomatique partagée avec Emmanuel Macron, et il précise qu’il discutera avec le chef de l’État pour trouver les meilleures solutions.
Néanmoins, une nouvelle législation sur l’immigration n’est pas au programme, contrairement à ce que demande Marine Le Pen. « Pour agir efficacement et rapidement au bénéfice des Français, il faut d’abord exploiter pleinement les outils existants », affirme Michel Barnier. « Proposer de nouvelles lois et les faire voter prend du temps. Je n’exclus pas cette possibilité, mais l’agenda est déjà chargé ».
Une visite attendue en Nouvelle-Calédonie
« C’est une responsabilité à laquelle un Premier ministre ne peut se soustraire. » Michel Barnier a exprimé son désir de se rendre en Nouvelle-Calédonie « à l’occasion opportune », espérant ouvrir la voie à un « chemin d’apaisement » grâce aux « report des élections prévues et à l’absence de saisine du Congrès concernant le dégel initialement envisagé du corps électoral », des mesures abordées lors de sa déclaration de politique générale. « Nous prendrons au moins une année pour rediscuter et chercher un nouvel équilibre. Un dialogue peut être reconstruit avec toutes les communautés », précise-t-il, en rappelant que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat, Gérard Larcher, mèneront une mission de bons offices dans l’archipel.
La réforme du corps électoral, soutenue par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, avait provoqué, dès mai, les pires troubles en Nouvelle-Calédonie depuis quatre décennies, entraînant 13 décès, dont deux gendarmes. Les dégâts matériels sont importants et les tensions demeurent dans l’archipel.
Apaisement envers ses partenaires politiques
« J’ai pleinement confiance en mes partenaires. » À quatre jours de la présentation du budget 2025, Michel Barnier reconnaît qu’il « aura besoin de tous » et rend hommage à son prédécesseur Gabriel Attal, devenu chef du principal groupe de sa majorité relativement réduite. Face à une « situation très dégradée », le Premier ministre privilégie l’apaisement au sein de son propre camp.
« La dette que j’ai constatée n’est pas seulement celle de mes prédécesseurs immédiats », mais aussi « le résultat de deux décennies de laxisme », souligne-t-il dans l’entretien, attribuant à Gabriel Attal le mérite d’avoir « commencé à réduire les dépenses publiques et à faire des efforts ». Ce geste intervient après des tensions récentes entre les deux hommes, en désaccord notamment concernant les augmentations d’impôts envisagées par le nouvel occupant de Matignon.
« J’ai beaucoup d’estime pour Gabriel Attal. C’est un élu de talent qui a un grand avenir. Je suis au courant de ce qui se dit, mais il n’y a aucune difficulté entre nous, même si nos tempéraments et styles diffèrent », assure Michel Barnier, conscient que son collaborateur dirige un groupe de 95 députés. « Il est à la tête d’un groupe parlementaire majeur. J’ai besoin de lui », admet-il. Plus largement, « le gouvernement a besoin du concours de tous », ajoute-t-il, mentionnant « notamment » les leaders centristes et de droite Laurent Wauquiez, François Bayrou et Edouard Philippe.