Mercredi dernier, le ministère de l’Intérieur a demandé au maire de Grenoble d’accroître le nombre de caméras de sécurité dans la ville pour mieux faire face aux conflits résultant du trafic de drogue.
« Monsieur Retailleau, comme tous les ministres de l’Intérieur que j’ai vus défiler depuis une décennie, ils se succèdent avec la même logique : le discours musclé et la ‘tolérance zéro’. ‘Vous verrez avec moi la fermeté’, tout cela n’est que du vent », a critiqué le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, lors de son intervention lundi 28 octobre sur 42mag.fr. « Au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes et de tenter de les résoudre, » Bruno Retailleau « nous mène en bateau », a-t-il ajouté. Il est essentiel « d’arrêter de réitérer les mêmes erreurs », a souligné Eric Piolle.
Le ministre de l’Intérieur a suggéré à Eric Piolle d’installer « beaucoup plus de caméras de vidéoprotection » dans sa commune. « Actuellement, il y en a 120, soit 6 par kilomètre carré, ce qui est inefficace », a rétorqué l’élu de Grenoble sur 42mag.fr lundi. « Quel est son plan national pour contrer le narcotrafic ? A-t-il pris connaissance du rapport sénatorial de janvier dernier qui dénonçait la prévalence du narcotrafic en France ? Où est sa vision, sa stratégie ? », a-t-il questionné. « Nous avons besoin d’un plan national pour le narcotrafic en France. C’est ce que nous réclamions avec les maires des grandes villes françaises, qu’ils soient de gauche ou de droite. » Pour cet élu de l’Isère, il est crucial de « réduire la consommation et de s’attaquer au narcotrafic en ciblant le patrimoine, les armes à feu, et la récurrence des délits. »
« L’État délaisse ses enfants »
Le ministre de l’Intérieur a également encouragé Eric Piolle à « dialoguer avec les autres maires » et les forces de l’ordre pour mieux saisir l’importance des dispositifs de sécurité par caméra. « Allez voir ce qui se passe à Nice, les fusillades y sont fréquentes, » a déploré l’écologiste. « À Valence, la ville du ministre de la Sécurité quotidienne [Nicolas Daragon, ndlr.], le bilan est totalement négatif. Avec des morts et des fusillades multiples, c’est un véritable fiasco. À un moment donné, il faut cesser de reproduire les mêmes erreurs », a-t-il ajouté. « Qu’il couvre la France de caméras ou qu’il modifie la législation, cela ne fonctionnera pas, » a affirmé le maire de Grenoble, évoquant la mort d’un adolescent de 15 ans survenue mardi soir, près d’un lieu de trafic contesté par les trafiquants de drogue. « Nous avions installé une caméra à cet endroit précis pour 60 000 euros, et elle n’a résisté que 20 minutes, » s’est-il souvenu. Selon lui, « la République délaisse ses enfants ». « Il y a une guerre économique affectant la jeunesse et le monde du trafic, » a-t-il affirmé.
Eric Piolle a saisi cette occasion pour réclamer des ressources supplémentaires afin de lutter contre le trafic de drogue dans sa ville. Les maires de Grenoble, Échirolles et Saint-Martin-d’Hères, principales communes de l’agglomération, ont adressé une lettre au début de la semaine aux ministres de l’Intérieur et de la Justice pour demander « 100 policiers nationaux supplémentaires et un plan novateur contre la récidive ». « Nous réclamons des effectifs supplémentaires pour la police et la justice », a expliqué l’élu grenoblois. « On m’a promis l’arrivée de 180 policiers au cours des 10 années de mon mandat, qui, probablement arrivés, sont repartis, car ailleurs on a dû répondre à une demande similaire. Les policiers ne peuvent pas être traités comme des objets qu’on déplace. Cela ne peut pas continuer! », a-t-il dénoncé. « Les policiers nationaux présents sur les sites de trafic coexistent avec les trafiquants (…), on les envoie accomplir une tâche sisyphéenne armés d’une petite cuillère. C’est totalement insensé, » a-t-il poursuivi.
« Pas de remède miracle »
Pour Eric Piolle, il est nécessaire « au minimum de revenir aux effectifs de 2002 » pour « récupérer ne serait-ce qu’un peu d’espace public », mais une augmentation des forces de l’ordre « ne résoudra pas le cœur du problème ». Depuis le début de 2024, selon le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, une cinquantaine de coups de feu liés au trafic de drogue ont été enregistrés en Isère, provoquant six décès.
« Il n’existe pas de solution miracle, » a répété Eric Piolle. « Il est impératif de progresser sur les questions de santé mentale, » a-t-il toutefois suggéré. « Si les individus consomment des drogues, cela n’est plus du simple loisir, » a-t-il estimé. « Quand on s’adonne aux drogues, on est malade (…), concernant la cocaïne, c’est pour améliorer la performance au travail, apaiser l’anxiété. Il est donc crucial d’entamer le débat sur la légalisation parce que nous sommes face à un échec manifeste, » a-t-il précisé. Le maire a défendu une légalisation contrôlée du cannabis qui « pourrait nous faire avancer » et « permettre de sortir de cet échec patent ».