À peine quelques mois après que le Conseil Constitutionnel ait partiellement censuré le texte précédent, le gouvernement se penche déjà sur une nouvelle législation concernant l’immigration. Ce faisant, il choisit de prendre le risque de raviver des tensions encore vives.
Aborder la question de l’immigration pour détourner l’attention d’un budget qui ne fait pas l’unanimité ? « Il n’est pas exclu que ce soit une diversion« , plaisante un membre du gouvernement. Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, a révélé ce dimanche 13 octobre qu’une « nouvelle loi » sur l’immigration sera présentée début 2025, la 33ème depuis 1980. Cette annonce survient à peine un an après l’adoption de la dernière loi sur l’immigration en janvier 2024, qui avait suscité de vives discussions au sein du Parlement.
Ce nouveau projet de loi a pour but de « simplifier la prolongation de la détention des étrangers en situation irrégulière présentant des dangers potentiels dans les centres de rétention administrative« , a déclaré Maud Bregeon lors de son passage sur BFMTV. Bruno Retailleau envisage ainsi de faire passer la durée maximale de 90 à 210 jours.
« Chacun cherche à affirmer son influence »
En coulisses, alors que l’on pensait que l’actualité politique de la semaine serait dominée par le début des débats concernant le budget, prévoyant environ 60 milliards d’euros d’économies, et qui doit débuter le mercredi 16 octobre en commission à l’Assemblée nationale, le gouvernement décide de se concentrer sur un autre sujet. En proposant ce texte sur l’immigration, moins d’un an après le texte précédent partiellement censuré par le Conseil constitutionnel, le gouvernement choisit de rouvrir des débats animés, non sans avoir un objectif stratégique en tête.
Le Rassemblement National n’écartant pas l’idée d’une censure, « la menace est bien réelle, et c’est une manière d’y échapper« , affirme un conseiller gouvernemental influent. Selon lui, avec cette démarche de fermeté affirmée, « le RN ne pourra pas se permettre de risquer d’installer Olivier Faure ou Jérôme Guedj à Matignon« .
Le revers de cette stratégie pourrait cependant se voir dans la réaction des partisans de Macron. Historiquement, l’immigration est un sujet très sensible pour l’ancienne majorité présidentielle : « Les plus intransigeants, tels que Sacha Houlié, ont déjà quitté la coalition« , tempère un collaborateur. « Chacun cherche à marquer son territoire« , relativise un soutien du nouveau ministre de l’Intérieur, considérant plutôt cette situation comme une opportunité pour Bruno Retailleau – « fidèle à ses principes« , commente un sénateur – qui pourrait bien s’affirmer comme le chef de file du gouvernement.
« La réussite de Barnier dépend de sa gestion de la sécurité et de l’immigration »
Mais quel visage aura ce nouveau texte ? Du côté de la place Beauvau, on affirme que les mesures mises à l’écart par le Conseil constitutionnel serviront de « fondement« . Il s’agit d’un ensemble de mesures votées fin 2023, à une époque où l’alliance entre les Macronistes et les Républicains n’en était qu’à ses débuts, mais finalement rejetées par les Sages. Parmi les propositions, on trouve notamment l’établissement d’un délit pour séjour illégal, promu par la droite sénatoriale sous la direction d’un certain… Bruno Retailleau.
Sont également envisagées, les éternelles discussions autour de la transformation de l’aide médicale d’Etat en aide médicale d’urgence, la suppression de la circulaire Valls et ses quelque 30 000 régularisations annuelles selon des critères précis de travail et de vie familiale, ou encore l’extension de la durée de rétention en centre de 90 jours maximum actuellement à potentiellement 210 jours selon l’idée du gouvernement. « Matignon est convaincu que l’avenir de Barnier est lié aux avancées en matière de sécurité et d’immigration« , conclut un conseiller. Il y a moins d’un an, à la suite du vote, le Rassemblement National avait proclamé une « victoire idéologique« .