En utilisant l’intelligence artificielle pour élaborer des procédures qui sont habituelles et répétées, on pourrait réduire de façon significative, jusqu’à six fois moins, la durée nécessaire à la création des documents destinés à être examinés par les juges consulaires.
Dans le domaine judiciaire, la gestion repose sur l’examen et la synthèse de divers documents, dont certains suivent une mise en page normée. Face à la multiplication des procédures, un constat s’impose : le nombre de magistrats disponibles est insuffisant pour traiter rapidement tous les dossiers présentés.
À partir de ce constat, Patrick Sayer, qui a pris la présidence du Tribunal de commerce de Paris en janvier 2024, a nommé un magistrat consulaire responsable des questions d’intelligence artificielle.
Pour donner une idée chiffrée, le Tribunal de commerce de Paris regroupe 180 juges élus, chacun étant chargé d’examiner environ soixante affaires par an et de rendre jugement sur près de 200 dossiers. Parmi ceux-ci se trouvent des procédures fréquemment répétées, telles que les entreprises ayant cessé d’exister tout en laissant une dette bancaire, ou les sociétés n’arrivant pas à rembourser leur Prêt Garanti par l’État (PGE).
Utilisation de l’IA générative pour résumer les informations procédurales
Le Tribunal de commerce de Paris a initié un programme en mettant en œuvre ChatGPT 4 dans une version privée, utilisé sur des données anonymisées (comme les noms, adresses, marques, et numéros de SIRET) : les éléments inclus dans les procédures (tels les conclusions des parties demandeuses et défenderesses, les bordereaux de pièces transmis par celles-ci), ainsi que plusieurs décisions rendues antérieurement par le tribunal sur des affaires similaires.
L’objectif poursuivi est l’élaboration de pré-rapports comprenant les informations essentielles. Ceci s’avère particulièrement pratique pour les dossiers répétitifs, par exemple, lorsqu’une entreprise spécialisée dans le leasing intentent des centaines de procédures pour défaut de paiement. Ces instances incluent souvent des ordonnances de quelques centaines d’euros, ce qui encombre le greffe avec des tâches administratives à gérer.
La tâche de lire et résumer ces documents numérisés se prête bien aux capacités d’une IA générative.
Création d’une section du Tribunal avec le soutien de l’IA
À l’issue des tests réalisés tout au long de l’année 2024, le Tribunal de Commerce de Paris prévoit d’ouvrir vers la fin de décembre 2024 ou le début de 2025 une section spécifique nommée « Chambre d’amélioration du traitement des litiges ».
Les algorithmes qui seront déployés dans cette chambre seront conçus pour éviter toute initiative créative et pour signaler explicitement leur incapacité à répondre lorsque nécessaire. Leur fonction se limitera à celle d’assistant pour la rédaction de documents. À ce jour, les essais ont montré que le temps requis pour rédiger les prérapports est divisé par six.
Une supervision humaine restera essentielle afin d’assurer la pertinence et la mise à jour du corpus documentaire utilisé par l’intelligence artificielle, par exemple en écartant des décisions de justice désuètes et en intégrant de nouvelles.
L’IA ne rendra aucun jugement
Il est uniquement question de créer des résumés factuels, de puiser dans un ensemble de documents des informations clairement déterminées pour prérédiger des actes simples. Cela inclut notamment la préparation d’ordonnances de paiement que l’huissier se chargera de délivrer, avec des informations précises telles que le nom du débiteur, ses coordonnées, le montant dû et les références du dossier.
En 2023, le Tribunal de commerce de Paris a traité 20 000 affaires similaires. Automatiser ce processus pourrait accélérer leur gestion et permettre au personnel du greffe de se concentrer sur des tâches plus techniques.
Le pouvoir de décision doit rester aux mains des juges consulaires. Il n’est donc pas envisagé de laisser une intelligence artificielle prononcer des jugements.