Voici une reformulation du paragraphe :
Il est un fait que même les magistrats reconnaissent : en France, certaines peines d’incarcération ne sont mises en œuvre que plusieurs années après que le jugement a été prononcé. Une juge d’application des peines témoigne dans un reportage d' »Envoyé spécial » en disant : « Si rien ne se passe pendant quatre ou cinq ans, c’est comme si la sanction n’avait jamais été prononcée. »
Depuis l’année 2020, la plupart des peines de prison fermes inférieures à un an font l’objet d’aménagements tels que la détention à domicile sous surveillance électronique, mais elles ne sont pas nécessairement mises en œuvre. Dans ce segment d' »Envoyé spécial », Albertine Muñoz, juge d’application des peines au tribunal de Bobigny en Seine-Saint-Denis, fournit des éclaircissements en tant que représentante du Syndicat de la magistrature, qui regroupe environ un quart des magistrats français.
Des JAP sous pression
Premier obstacle : les juges d’application des peines (JAP) sont surchargés et ne disposent pas toujours des ressources pour appliquer ces modifications de peines. Dans le bureau d’Albertine Muñoz, à Bobigny, une large majorité des dossiers en attente, correspondant à ce qu’on appelle « le stock », concerne des aménagements de peine. Selon ses propos, environ 600 individus condamnés n’ont pas encore été convoqués, même cinq ans après les faits et quatre ans après leur condamnation. Parmi ces derniers, certains risquent de ne jamais être retrouvés.
L’encombrement des tribunaux engendre des délais si considérables que, avec le temps, il devient impossible de contacter les concernés – qu’il s’agisse des individus condamnés ou des victimes. En effet, cela fait que certaines peines sont laissées en suspens. En France, parmi toutes les peines de prison prononcées chaque année, environ 10 000 ne sont pas exécutées même cinq ans plus tard.
Effectif judiciaire insuffisant en France par rapport à l’Europe
Ce manque de personnel est pointé du doigt par Albertine Muñoz. À Bobigny, le tribunal dispose de 11 juges dédiés à l’application des peines, alors qu’il en faudrait le double pour répondre aux normes européennes. À l’échelle nationale, le problème persiste : avec 9 000 magistrats pour 70 millions de citoyens, la France compte moitié moins de magistrats que la moyenne européenne.
Pour remédier à cette situation, Eric Dupont-Moretti, ancien garde des Sceaux, avait annoncé dès sa prise de fonction un plan de recrutement pour renforcer le secteur judiciaire, avec une promesse de 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires d’ici 2027. Cependant, ces efforts semblent toujours insuffisants pour atteindre les niveaux d’effectif d’autres nations européennes.
Extrait de « Les naufragés de la justice », à découvrir dans « Envoyé spécial » le 24 octobre 2024.