Le cinquième jour du procès concernant les collaborateurs du Front national a été marqué par l’intervention prolongée de Bruno Gollnisch, ancien député européen. Celui-ci a exposé ses points de vue de manière détaillée, provoquant par moments l’agacement du tribunal en raison de ses réponses jugées inappropriées.
Bruno Gollnisch prend la parole à son procès
Jusqu’à présent discret depuis le banc des accusés, limitant ses interventions à quelques hochements de tête durant les audiences ou plongé dans ses notes, c’est ce mardi 8 octobre que Bruno Gollnisch a décidé de s’exprimer devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Ce procès concernant les assistants parlementaires du Front National (FN) lui permet enfin de prendre la parole et de présenter sa défense. Son intervention, à la manière de cours magistraux, oscille entre moments d’agacement pour le tribunal et instants plus légers pour l’assemblée présente.
Bruno Gollnisch, âgé de 74 ans, est accusé de détournement de fonds publics. Les soupçons concernent l’embauche comme assistants parlementaires de trois individus : Micheline Bruna, également secrétaire de Jean-Marie Le Pen ; Yann Le Pen, organisateur d’événements d’envergure et fille cadette du fondateur du FN ; et Guillaume L’Huillier, travaillant pour le cabinet de Jean-Marie Le Pen. Les détournements reprochés à M. Gollnisch s’élèveraient à un montant total de 1,41 million d’euros sur une période allant de 2005 à 2015.
Bruno Gollnisch promet : « Je vais vous éclairer sur les faits, car je n’ai rien à dissimuler ». Pendant près de cinq heures, il expose longuement sa défense, ponctuée de démonstrations juridiques, tout en réitérant sa position maintenue depuis longtemps : le tribunal ne serait pas compétent. « La République a des fondements, notamment la séparation des pouvoirs », selon lui, cette séparation empêche toute interférence judiciaire dans les affaires des parlementaires et de leurs collaborateurs. « Un député est-il au-dessus des lois ? » interroge la présidente. « Non, mais seules les instances parlementaires peuvent contrôler les actions effectuées dans le cadre de leurs fonctions », réplique-t-il.
« Je pense que vous devriez adopter mon point de vue. Cela aurait l’avantage majeur d’alléger la tâche de votre tribunal. »
Bruno Gollnischs’adressant à la présidente du tribunal correctionnel
Bruno Gollnisch souhaite également justifier son parcours. Interrogé sur son passé, allant de ses études au Japon à son expérience d’enseignant en droit en France, il partage quelques anecdotes. Puis, il évoque brièvement son engagement politique, sans trop s’attarder sur la période douloureuse de son échec à la présidence du Front National.
De 1989 à 2019, en tant que député européen, Bruno Gollnisch insiste sur son dévouement et son activité soutenue. « J’ai été très assidu, parmi les plus engagés », affirme-t-il. « Nous avons fait notre travail dans des conditions extrêmement exigeantes », continue-t-il, tout en soulignant à quel point cela a coûté à sa vie de famille. La présidente tente de recentrer la discussion : « Il n’est pas question de dire que vous n’avez pas été intensivement impliqué dans votre mandat européen. » Cependant, l’ancien député ne dévie pas de son discours et présente même une « brochure hagiographique » vantant ses contributions. La brochure contient des photos, notamment d’un meeting à Sofia ou de « mondanités » en Autriche, ajoutées à d’autres souvenirs de ses campagnes électorales. Il insiste sur cette dualité de rôles, à l’instar des défenses précédentes de Thierry Légier et Fernand Le Rachinel.
« La distinction entre Montretout et le Front National »
La présidente réoriente finalement le procès vers la question centrale des assistants parlementaires, après deux heures et demie d’audience. « Vous admettez avoir signé ces contrats ? » questionne-t-elle. « Oui, oui, oui », répond Bruno Gollnisch. « Étiez-vous l’employeur ? » « Pourquoi pas… » rétorque-t-il avant d’entamer, à nouveau, une explication détaillée. Il cherche alors à prouver qu’aucun de ses assistants n’aurait dû comparaître devant la justice. On le presse de répondre sur les faits concernant Micheline Bruna, mais il insiste : « Non car il reste beaucoup à dire sur le droit ! » La présidente le coupe : « Votre position est claire, passons à autre chose. »
Mains derrière le dos, Bruno Gollnisch adopte une nouvelle stratégie de défense : ces contrats étaient publics et connus, y compris par les autorités européennes. « Bien sûr, tout cela était su de tous », clame-t-il presque. Le procureur réplique alors qu’il plaide l’ignorance délibérée.
Les assistants parlementaires sont enfin abordés. Comme d’autres avant lui, il invoque l’argument de la mutualisation des employés : « Madame Bruna était membre d’un groupe d’assistants », assure-t-il.
« Oui, nous avons mutualisé les ressources selon les besoins. »
Bruno Gollnischdevant le tribunal correctionnel
Bruno Gollnisch précise que la secrétaire travaillait à Montretout, à Saint-Cloud, qui, outre le bureau de Jean-Marie Le Pen, abritait également le secrétariat de députés européens, assurant que cela ne servait pas le parti : « Montretout est différent du Front National. » Il ajoute un mot sur l’organigramme à l’origine de l’affaire : « Cela a sûrement été rédigé par un employé subalterne sans considération pour la dimension parlementaire. »
La partie civile remarque un manque de documents attestant des activités de Micheline Bruna. Bruno Gollnisch explique que ses tâches, telles que la prise de rendez-vous ou l’organisation de déplacements, n’ont pas laissé de traces matérielles. Il admet à la présidente que le seul tort fut de ne pas avoir formalisé la mutualisation dans les contrats. Ceci aurait été possible via un dispositif permettant d’embaucher collectivement des assistants parlementaires, qu’il a découvert seulement en fin de mandat.
L’audience est suspendue. Micheline Bruna, suivie de Yann Le Pen, doit témoigner à la barre. Bruno Gollnisch, quant à lui, reviendra pour s’exprimer à nouveau le mercredi 9 octobre en compagnie de son ancien assistant Guillaume L’Huillier. Il a déjà annoncé qu’il a préparé la suite de son argumentaire.