En France, plus d’une personne sur trois a été ou est confrontée à des problèmes de santé mentale. Franceinfo a recueilli les témoignages de plusieurs maires qui se sentent de plus en plus impuissants face aux situations graves auxquelles ils doivent faire face.
Quand le bien-être psychique fait irruption dans les bureaux des élus
De nombreux élus locaux se sentent désarmés face à l’augmentation des problèmes psychiatriques parmi leurs citoyens. L’importance de ce problème est telle qu’il sera abordé pour la première fois lors du prochain rassemblement des maires de France prévu du 19 au 21 novembre.
Dans la ville de Morlaix, qui compte 15 000 habitants au nord-est de la Bretagne, le maire Jean-Paul Vermot a dû faire face à deux incidents graves en seulement 18 mois. « Nous avons eu trois incendies de maisons, explique-t-il, et l’odeur de brûlé persiste parce que l’ensemble de la construction est principalement en bois. » Devant un édifice historique situé en plein centre-ville, Vermot décrit comment un résident souffrant de troubles mentaux a mis le feu en juillet 2023. Le maire avait déjà pris un arrêté pour son hospitalisation d’office. Cependant, l’individu a été renvoyé chez lui en raison d’un manque de structures d’accueil à long terme.
« L’auteur de l’incendie avait tenté de bloquer les portes de ses voisins avec de la mousse expansive, mais fort heureusement, cela n’a pas fonctionné, » poursuit-il. Cet homme a finalement été jugé dangereux et est maintenant sous traitement en milieu sécurisé. Malheureusement, les mesures préventives n’ont pas suffi à éviter ce drame. »
Quand un maire prend lui-même des mesures face aux urgences psychiatriques
Récemment, le maire a de nouveau été confronté à une situation critique impliquant un jeune adulte signalé par les travailleurs sociaux pour son état mental préoccupant. « Ce jeune n’a pas été accepté en milieu hospitalier psychiatrique, et peu après, il a attaqué son voisin avec un couteau, explique-t-il. Bien que son voisin n’ait subi que des blessures, le jeune a été arrêté. Le procureur a demandé sa détention provisoire, mais le juge l’a libéré en attendant une évaluation psychiatrique.
« Entre la décision du juge et le rendez-vous pour l’évaluation psychiatrique, il y a un délai de deux mois, se désespère Vermot. Et en attendant, ce jeune homme réapparaît en public, se disant lui-même dangereux s’il n’est pas pris en charge. » Pour cette raison, avec l’aide d’un adjoint, le maire l’a conduit à un établissement psychiatrique prêt à le prendre en charge jusqu’à la résolution de sa situation judiciaire.
Un appel au Premier ministre pour plus de ressources
Début octobre, excédé par la situation, Jean-Paul Vermot a écrit au Premier ministre : « Monsieur le Premier ministre, alors que vous annoncez faire de la santé mentale un enjeu national pour 2025, nous avons besoin de solutions immédiates face à ces difficultés croissantes, » plaidant pour des changements à l’échelle nationale.
Les maires demandent des améliorations sur plusieurs fronts, en commençant par les ressources disponibles. À l’hôpital de Morlaix, qui dessert une population de 110 000 habitants, 9 des 24 postes de psychiatres sont vacants. « En particulier dans le domaine de l’addictologie, où la problématique des stupéfiants prend de l’ampleur, » explique Vermot.
« La pénurie de psychiatres est évidente quand 9 postes sont non pourvus, ce qui pose un véritable problème de moyens. »
Jean-Paul Vermot, maire de Morlaixà 42mag.fr
C’est un problème à l’échelle nationale, avec 23% des postes de psychiatres non occupés dans les hôpitaux publics, selon la fédération nationale hospitalière l’an dernier. « Nous devons réfléchir à une meilleure organisation et à des ajustements réglementaires pour optimiser la collaboration entre mairie, police, justice et hôpitaux psychiatriques, » propose Vermot.
Des initiatives locales pour aborder les problèmes de santé mentale
À Douai, Frédéric Chéreau, maire de la ville et vice-président de l’association des maires de France en charge de la santé, a mis en place une unité de suivi des cas complexes. « Nous travaillons avec les psychiatres de l’hôpital pour discuter des situations vécues par nos habitants, et réfléchir ensemble à des solutions, détaille-t-il. En ville, nous avons une perception différente de celle des médecins. On partage nos observations : est-ce que cette personne doit être relogée ? Recevoir un traitement renforcé ? »
Le maire espère également voir l’ouverture d’une résidence spécialisée dans les trois ans pour accueillir une dizaine d’habitants souffrant de troubles mentaux.
« Rassembler des personnes souffrant de troubles similaires, comme la schizophrénie, peut paradoxalement offrir un environnement stable où chacun comprend et accepte mieux les particularités des autres. »
le maire de Douai Frédéric Chéreauà 42mag.fr
« Dans ce type de résidence, la présence régulière de travailleurs sociaux et d’infirmiers assure un suivi constant, » poursuit-il. Cependant, ces initiatives locales nécessitent un soutien gouvernemental pour être pleinement efficaces. Le gouvernement prévoit de doubler le nombre de maisons des adolescents d’ici trois ans, pour accompagner les jeunes et leurs familles, notamment sur les questions de santé mentale.