La suppression de la réforme votée mercredi par la commission des Affaires sociales ne constitue qu’un maillon dans le déroulement complexe du processus législatif. Étant donné l’équilibre des pouvoirs au Sénat, les chances pour la gauche de rétablir l’âge de départ à la retraite à 62 ans sont très minces.
La gauche bataille toujours contre la réforme des retraites
La gauche n’abandonne pas son combat contre la réforme des retraites. Elle célèbre une première victoire acquise le mercredi 20 novembre, après cinq tentatives infructueuses au sein des différents groupes depuis deux ans. La commission des Affaires sociales de l’Assemblée a approuvé une proposition de loi de La France insoumise qui vise à ramener l’âge de départ à la retraite de 64 à 62 ans, grâce au soutien inattendu de l’extrême droite. Le Rassemblement National avait présenté un texte similaire à la fin octobre, mais la gauche avait refusé de l’appuyer afin d’éviter toute apparence de collaboration. Cependant, lorsqu’il s’agit d’un appui en leur faveur, le supplément de l’extrême droite ne semble pas poser de problème pour le Nouveau Front populaire. Le texte validé ce mercredi sera discuté dans l’hémicycle le jeudi 28 novembre.
Cependant, l’abrogation de la réforme adoptée sous le gouvernement Borne ne se fera pas de sitôt. On en est encore très éloigné. Même si l’Assemblée donne son feu vert, le projet devra ensuite être examiné par le Sénat à la fin janvier, et il y a peu de chance qu’il soit approuvé, notamment en raison de l’absence de soutien des sénateurs insoumis et lepénistes. Si l’alliance entre la gauche et le RN parvient à reconfirmer le texte lors d’une seconde lecture à l’Assemblée en février, celui-ci risque d’être rejeté lors de la commission mixte paritaire, où l’alliance dite « socle commun » favorable à Michel Barnier est majoritaire.
Quelle position pour les socialistes ?
L’exécutif, opposé à cette abrogation, devrait éviter de déclencher la procédure permettant à l’Assemblée d’avoir le dernier mot. Le texte des insoumis propose également d’annuler l’augmentation de la durée de cotisation décidée par la réforme Touraine en 2013, sous un gouvernement de gauche. Il sera intéressant de voir si les députés socialistes choisiront de supprimer cette mesure qu’ils ont toujours soutenue, François Hollande, alors président, compris.
Consciente de la complexité du processus, la gauche continue d’exercer une pression sur le gouvernement, de mobiliser son électorat et de renforcer sa cohésion. L’anti-macronisme et l’opposition à la réforme des retraites constituent le principal facteur d’unité du Nouveau Front populaire. Cela permet aussi de souligner une fois de plus que le gouvernement Barnier ne dispose d’aucune majorité solide. Pas plus que la gauche, qui a besoin de l’appui de l’extrême droite pour espérer en constituer une. Cela pose aussi quelques questions secondaires sur le coût pour les finances publiques ou le montant des pensions, sans oublier d’autres préoccupations. Cependant, comme la France pourrait se retrouver sans budget en cas de censure gouvernementale, ces questions peuvent attendre, ne serait-ce que pour jouir du succès politique et médiatique obtenu.