Ce film documentaire, sous la réalisation de Martin Scorsese, utilise des séquences historiques pour plonger le spectateur dans l’effervescence qui envahit la jeunesse des États-Unis lors de la toute première tournée américaine du célèbre groupe musical originaire de Liverpool.
En 1964, alors que la Beatlemania fait rage dans tout le Royaume-Uni, les Beatles posent pour la première fois le pied en sol américain. Leurs titres I Want to Hold Your Hand et She Loves You occupent déjà les sommets des charts. À leur arrivée à New York, ils prévoient une apparition au célèbre Ed Sullivan Show. Cette prestation télévisée, qui a lieu le 9 février, attire une audience colossale de 73 millions de téléspectateurs américains, marquant un tournant historique et le début d’une vague d’engouement incroyable.
Le film documentaire Beatles 64, réalisé par David Tedeschi sous la production de Martin Scorsese et disponible sur Disney+ à partir du 29 novembre 2024, retrace cette première expérience américaine des Fab Four. Ce qui était pour eux deux semaines de découvertes intenses, décrites par John Lennon comme une période « dans l’œil du cyclone« .
Dès que leur avion atterrit à l’aéroport Kennedy, des hordes de jeunes admirateurs, en ébullition, les accueillent avec enthousiasme, leurs pancartes à la main, au tarmac comme à l’entrée du Plaza Hotel où ils logent. La police a énormément de mal à contrôler les foules.
Durant ce séjour exceptionnel de deux semaines, les documentaristes américains David et Albert Maysles, connus pour le film Gimme Shelter avec les Rolling Stones en 1970, filment constamment John, Paul, George et Ringo dans des lieux variés, que ce soit leur hôtel, dans les transports, ou lors de leurs concerts à Washington, Miami et au prestigieux Carnegie Hall de New York.
Cachés dans Harlem avec les Ronettes
Le documentaire repose sur ces séquences en noir et blanc qui constituent le cœur de Beatles 64, incluant 17 minutes inédites d’après la production. Si nous ne les avons jamais vues, elles évoquent inévitablement l’hystérie de la Beatlemania que nous avons maintes fois regardée, face à laquelle les Beatles faisaient preuve d’un détachement tout britannique.
Bien que les images et le son soient méticuleusement restaurés, l’émotion est persistante. Cependant, on est loin de la série documentaire Get Back de Peter Jackson disponible sur Disney+, qui avait captivé les spectateurs il y a trois ans en dévoilant les coulisses de leur dernier album et concert à Londres en janvier 1969.
Néanmoins, les fans des Beatles ne cacheront pas leur joie de revoir leurs débuts pleins d’énergie, d’esprit et de dynamisme. Dès leur première conférence de presse en sol américain, leur sens de l’humour est évident. À la question d’une journaliste leur demandant de chanter quelque chose, ils répliquent en chœur « Non ! » avec un sourire espiègle. Interrogés par un autre journaliste sur leur capacité à chanter, John Lennon, avec son sens de la répartie, répond : « Non, nous voulons être payés d’abord« , suscitant le rire complice de Paul, George, et Ringo.
Dans leur hôtel, bien que des fans cherchent à s’approcher, payant deux dollars pour des morceaux de serviettes supposément touchées par eux – en plus des produits dérivés à leur effigie –, les Beatles s’amusent devant la caméra mais se sentent enfermés. Heureusement, les Ronettes, un groupe produit par Phil Spector et leur seul lien dans la ville, leur offrent un répit en les invitant discrètement à Harlem, là où personne ne s’attendait à les trouver, leur permettant de retrouver un peu d’anonymat d’après Ronnie Bennett.
« Comme s’ils venaient d’une autre planète »
Quelques-uns de leurs premiers fans américains partagent avec émotion leurs témoignages. Joe Queenan, écrivain et satiriste américain âgé de 74 ans, se remémore le premier contact avec She Loves You à la radio aux côtés de sa sœur : « c’était comme si soudain une lumière s’était allumée« . Il raconte, les larmes aux yeux, qu’à l’époque, Liverpool leur semblait aussi éloignée que Mars. Jamie Bernstein, fille aînée du célèbre compositeur Leonard Bernstein, se remémore l’émotion ressentie en écoutant leurs chansons et relate la soirée où sa famille a regardé les Beatles à l’émission de Sullivan.
Bien que la presse et de nombreux adultes considéraient les Beatles d’un œil méfiant, inquiétude résumée par Joe Queenan : « Les Beatles n’étaient pas réellement dangereux, mais les personnes âgées craignaient leur influence sur les jeunes« .
Smokey Robinson, des Miracles, dont les chansons inspiraient les Beatles, remarque : « C’était la première fois que j’entendais des blancs déclarer leur amour pour la musique noire« . Ils avaient même repris son morceau You Really Got a Hold On Me. Paul McCartney se souvient pour le documentaire qu’à l’époque, ils s’attendaient à ce que l’Amérique soit une terre de liberté, une illusion vite dissipée par la réalité du pays.
Le documentaire met en avant, tout au long, comment le passage des Beatles aux États-Unis intervenait à un moment crucial pour égayer la population encore secouée par l’assassinat du Président Kennedy survenu quelques mois plus tôt, en novembre 1963. Cet événement tragique, symbole de la violence omniprésente, était une source de préoccupation pour John Lennon, fervent lecteur de journaux, expliquait le photographe Harry Benson. Des craintes qui, on le sait aujourd’hui, étaient fondées.
Le documentaire Beatles 64 de David Tedeschi (d’une durée de 1h46) sera accessible sur Disney+ à partir du vendredi 29 novembre 2024. En parallèle, une compilation intitulée « Beatles 64, Music from the Disney+ documentary » a été lancée le 22 novembre. Elle regroupe les chansons présentes dans le film, incluant des reprises des Beatles de morceaux de The Miracles, Little Richard, Chuck Berry, et Barrett Strong, ainsi qu’une version de « Yesterday » par Smokey Robinson & The Miracles durant l’Ed Sullivan Show en 1968.