Les deux comédiens partagent avec 42mag.fr Culture leur expérience de rencontre et la relation professionnelle qu’ils ont nouée sur le tournage de ce troisième long-métrage réalisé par Emmanuel Courcol.
À plein volume : une nouvelle œuvre cinématographique d’Emmanuel Courcol
Avec sa troisième réalisation prévue pour le 27 novembre 2024, Emmanuel Courcol nous offre « À plein volume », un film qui explore la réconciliation entre deux frères séparés par leur destin. Thibaut, interprété par Benjamin Lavernhe, a eu une éducation privilégiée et est devenu chef d’orchestre renommé. Son frère Jimmy, incarné par Pierre Lottin, a eu un parcours tumultueux en passant de foyer en foyer avant d’être adopté par Claudine. Passionné de musique tout comme Thibaut, Jimmy joue du trombone dans la fanfare d’une usine locale menacée de fermeture.
Une comédie touchante à la sauce du réalisme social britannique
Cette comédie emprunte aux codes du cinéma social britannique pour livrer une histoire à la fois émotive et divertissante. Les têtes d’affiche, Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, sont deux talents en vogue du cinéma hexagonal. Pierre, à 35 ans, s’est détourné d’une carrière militaire pour devenir acteur, après avoir été révélé grâce à son rôle dans « Les Tuches ». On l’a également vu récemment dans « Quand vient l’automne » de François Ozon. Quant à Benjamin Lavernhe, à la fois formé au conservatoire et sociétaire de la Comédie-Française depuis 2012, il a su marquer de son empreinte aussi bien le grand écran que les planches. De Scapin chez Molière à Pierre dans « Le Sens de la fête », il s’est même aventuré dans la peau de l’abbé Pierre, une expérience qu’il a qualifiée de « trahissante ».
Lors de leur entretien, les deux comédiens, assis côte à côte, échangent des taquineries à la manière de vrais frères. Comme Thibaut et Jimmy à l’écran, ils affichent des personnalités contrastées mais ont trouvé une alchimie sur le plateau, qu’ils partagent avec enthousiasme.
Entretien avec 42mag.fr Culture
Pourquoi avoir accepté de tourner dans ce film ?
Pierre Lottin : Pour le cachet, bien sûr ! (rires) Mais aussi pour avoir l’opportunité de travailler avec Benjamin Lavernhe.
Benjamin Lavernhe : Ce n’est pas seulement pour cela, arrête ! (sourire)
Pierre Lottin : C’était aussi l’occasion de retravailler avec Emmanuel Courcol après « Un Triomphe ». Cette collaboration avait été exceptionnelle, et cerise sur le gâteau : jouer avec Benjamin.
Et vous, Benjamin ?
Pierre intervient : Pour être aux côtés de Pierre Lottin !
Benjamin Lavernhe : En réalité, c’est l’histoire elle-même qui m’a charmé par son élégance et sa délicatesse. Le scénario m’a permis de ressentir une vraie empathie envers les personnages, promettant une aventure unique.
Dans un chuchotement, Pierre ajoute : Et bien sûr, pour jouer avec Pierre Lottin !
Benjamin Lavernhe : D’accord, c’était assurément un cinéma d’auteur accessible à tous qui m’appelait. Un cinéma qui, bien qu’il soit difficile à concevoir, a su me séduire immédiatement. C’est un film qui n’entre pas dans des moules préconçus, et j’ai tout de suite eu envie d’y participer, notamment en sachant que Pierre Lottin ferait partie de l’aventure.
Pierre Lottin : (ironisant) Et pour jouer avec Pierre Lottin !
Benjamin Lavernhe : Plus sérieusement, cela a beaucoup joué. Jouer des frères et partager autant de scènes est un critère crucial pour construire l’enthousiasme autour d’un projet.
Vous vous connaissiez avant le tournage ?
Pierre Lottin : Sur le plan artistique, oui, mais nous ne nous étions jamais rencontrés personnellement.
Benjamin Lavernhe : Je l’avais vu durant un spectacle au Cours Florent.
Pierre Lottin : Et j’ai remporté le prix Olga Horstig ce jour-là !
Benjamin Lavernhe : J’en suis jaloux ! (rires)
La musique au cœur de leur connexion
Et musicalement, êtes-vous portés par la même passion ?
Pierre Lottin : Oui, absolument.
Benjamin Lavernhe : Je me débrouille un peu au piano. Qu’en est-il de toi, Pierre ?
Pierre Lottin : Ce sont les contrastes qui intriguent, entre mon allure et mes compétences musicales (clin d’œil).
Benjamin Lavernhe : (niant fermement) Absolument pas !
Des spectacles comme celui de Thibaut dans le film, chef d’orchestre impressionné par le talent musical de son frère, questionnent souvent les stéréotypes visuels auxquels on s’attache.
Benjamin Lavernhe : En effet, porter un jugement sur une personne sans vraiment la connaître est trompeur. Pauline, ça ne ressemble pas à celui qui aurait dix fois plus de connaissance du jazz que vous.
Sur les traces de Thibaut et Jimmy
Avez-vous des prédispositions semblables à vos personnages ?
Pierre Lottin : En fait, dans la vraie vie, ce serait plutôt l’inverse (rires).
Benjamin Lavernhe : Oui, certains traits se rapprochent de nos personnages, mais beaucoup nous différencient aussi. Ce n’est pas toujours nécessaire ou productif de jouer l’opposé de soi-même.
La collaboration s’est révélée assez intuitive. Avec déjà un grand talent, nous avons pu travailler ensemble efficacement (rires).
Pierre Lottin : Peur ? Pas une seconde.
Benjamin Lavernhe : D’accord avec toi là-dessus. Pour reprendre une analogie musicale, nous avons cherché à être en harmonie. Le processus a été fluide, sans qu’un réalisateur ait besoin d’intervenir constamment.
Une histoire marquée par son milieu social
Qu’en est-il de l’évolution de la relation fraternelle au fil du film ?
Pierre Lottin : L’apprentissage du texte est le premier pas, puis tout se joue souvent d’instinct sur le tournage. C’est ce qui est magique pour certains rôles.
Benjamin Lavernhe : Un bon réalisateur sait écouter ses acteurs et intégrer leurs visions, ce qui améliore la profondeur des personnages. Tout en gardant parfois le contrôle, comme ne pas inclure de blague à des moments non appropriés.
Pierre Lottin : Comme dans « Little Miss Sunshine », où l’équilibre entre rires et émotions est savamment dosé, Emmanuel Courcol a réussi à nous guider tout en permettant à nos interprétations de s’exprimer librement, en respectant notre complicité acquise.
Un questionnement sur le déterminisme social
Est-ce une critique sociale ?
Benjamin Lavernhe : Le film souligne la complexité des différences de milieu, sans artifice ni simplification. Il montre combien ces réalités influencent les rêves et ambitions de chacun, sans forcément dicter un chemin prédéfini.
Pierre Lottin : Un regard perçant sur comment l’environnement et le soutien influencent et limitent parfois l’espérance et les rêves.
En conclusion, « À plein volume » s’inscrit à la croisée des chemins entre drame social et comédie, portant un message d’espoir tout en restant réaliste, étoffé par une vision médiatrice, accessible à un large public en quête de récits authentiques et émouvants.