Des membres du Parlement soutiennent cette proposition afin de contribuer au financement du volet autonomie de la Sécurité sociale. Selon Antoine Armand, le ministre de l’Économie, cette suggestion constitue « une possibilité parmi d’autres », comme il l’a indiqué la semaine dernière.
Les citoyens français devront-ils contribuer par une journée de travail supplémentaire sans rémunération additionnelle pour renforcer le système social du pays ? Une proposition de certains sénateurs républicains suggère l’instauration d’une seconde journée de solidarité. Cette idée émerge alors que le Sénat s’apprête à entamer, le mercredi 13 novembre, l’examen du projet de loi concernant le financement de la Sécurité sociale.
Mise en place en 2004 après la canicule désastreuse de 2003, la journée de solidarité vise à contribuer partiellement au financement de l’autonomie des personnes âgées. Selon la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, les employeurs s’acquittent de 0,3 % de leur masse salariale pour ce faire, en ajustant les horaires de travail en conséquence. L’année dernière, cette contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) a permis de collecter 2,4 milliards d’euros, selon les informations de l’organisme responsable de la gestion de la branche autonomie de la Sécurité sociale.
La CSA ne constitue qu’une partie des ressources financières de la caisse – qui s’élevaient à 41,8 milliards d’euros l’année dernière – ce chiffre restant inférieur à celui de la contribution sociale généralisée (CSG). En outre, une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) est en place depuis 2013 sur les pensions de retraite et d’invalidité, générant 0,9 milliard d’euros.
« Les syndicats s’opposent globalement à l’idée »
Il y a quatre ans, Laurent Vachey, inspecteur général des finances, avait déjà exploré l’idée d’une seconde journée de solidarité parmi d’autres suggestions de financement potentiel. Dans son rapport (PDF), il mentionnait « des résultats incertains sur le plan économique et pour l’emploi », en précisant que « les syndicats s’y opposent majoritairement ».
Néanmoins, la commission des affaires sociales du Sénat a inclus cette proposition dans ses recommandations en septembre dernier, dans le cadre d’un rapport informatif portant sur les Ehpad. « Une mesure de cette nature pourrait substantiellement augmenter les ressources dédiées » aux établissements et services médicosociaux, expliquaient les rédacteurs du rapport.
Éviter une révision des cotisations des employeurs
De leur côté, plusieurs parlementaires, notamment ceux du centre, ont commencé à adopter cette idée. Au début du mois d’octobre, dans une entrevue au journal Les Echos, l’ancien ministre Gérald Darmanin a également plaidé pour une deuxième journée de solidarité, « valable pour le secteur privé comme le secteur public ». Cependant, une députée d’Ensemble pour la République a confié à 42mag.fr que « le concept de journée de solidarité ne fait pas l’unanimité au sein du groupe de travail ».
Le gouvernement laisse désormais l’initiative aux membres du parlement, tout en restant ouvert à toute proposition constructive. Laurent de Saint-Martin, ministre du Budget, a exprimé sur TF1, à la fin du mois d’octobre, sa volonté d’entamer un débat parlementaire sur cette question. Il a affirmé que toute action permettant au pays de démontrer une capacité à travailler davantage pour soutenir le redressement serait bénéfique. Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a également exprimé son intérêt, déclarant sur LCI que « bien que le gouvernement ne l’ait pas formalisée, certains parlementaires envisagent de la proposer », qualifiant la « proposition d’intéressante ». Cependant, il a ajouté dans Les Echos qu’il s’agissait d’une « option parmi d’autres ».
Le calendrier français compte onze jours fériés, ce qui se situe dans la fourchette supérieure par rapport aux autres pays européens. Pour l’instant, aucun jour férié spécifique n’a été ciblé pour devenir potentiellement une journée travaillée. Néanmoins, le Souvenir français, une association en mémoire des soldats morts pour la France, a exprimé son opinion. Serge Barcellini, son président, a déclaré que le 11-Novembre était « intouchable ».
« Un avantage économique modeste pour les entreprises »
Malgré ces discussions, le cœur du débat demeure symbolique. La journée de solidarité était initialement observée le lundi de Pentecôte. Depuis 2008, les entreprises ont la liberté de redistribuer cette obligation comme bon leur semble, que ce soit en remplaçant un jour férié ou en aménageant autrement le temps de travail (réduisant les RTT, divisant les sept heures, etc.). « Nous ne remettons pas en question le 11-Novembre, le 8-Mai ou l’Ascension », a déclaré Chantal Deseyne, sénatrice et corapporteuse du texte, sur Public Sénat. « Les sept heures peuvent être réparties sur toute l’année, de nombreuses possibilités existent ».
En attendant, la gauche, ainsi que plusieurs syndicats, critiquent déjà la possible augmentation de cette contribution spéciale, de 0,3 % à 0,6 % de la masse salariale. « La journée de solidarité touche uniquement les travailleurs », déplore la sénatrice écologiste Anne Souyris dans Le Nouvel Obs. « Les revenus financiers et les dividendes devraient également contribuer. » Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a réagit sur France 2, jugeant qu’avec les réformes des retraites, des réformes sur l’assurance-chômage, le changement du Code du travail, et le gel des salaires dans divers secteurs, « il faudrait cesser de se moquer du monde ».
L’économiste Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, dans une interview pour Le Parisien, a considéré que « politiquement, ce serait coûteux en échanges de bénéfices économiques relativement limités pour les entreprises ». Le sociologue Jean Viard, intervenant dans La Dépêche, a ajouté que bien que supprimant un jour férié, ce serait moins douloureux que d’augmenter les cotisations sociales ou les taxes, cela resterait tout de même une solution pour accroître les recettes face à des déficits prévus.