En mai 2023, un documentaire a été dévoilé au Festival de Cannes. Ce film est dirigé par Sahra Mani, une réalisatrice originaire d’Afghanistan, et bénéficie du soutien de l’actrice Jennifer Lawrence.
C’est un documentaire percutant dont on ressort profondément marqué. Ce film rare, tourné avec un smartphone, plonge le spectateur directement au cœur du régime des talibans. Prévu pour être diffusé le vendredi 22 novembre sur Apple TV+, Bread & Roses offre une immersion poignante dans la réalité quotidienne des femmes afghanes depuis que les troupes américaines ont quitté le pays et que les extrémistes religieux ont repris le pouvoir.
« Quand Kaboul est tombé en 2021, les femmes ont perdu leurs droits essentiels. Elles ont perdu la possibilité d’aller à l’école et de travailler« , a souligné Jennifer Lawrence, célèbre pour son rôle dans Hunger Games, lors d’une projection à Los Angeles le jeudi 14 novembre 2024. Elle est venue soutenir ce film qu’elle a contribué à produire. « Leur existence a été radicalement transformée du jour au lendemain. »
« Le lourd silence » de la communauté internationale
Présenté lors du festival de Cannes en mai 2023, ce documentaire est l’œuvre de Sahra Mani, une réalisatrice afghane. Suite à la chute de Kaboul, elle a contacté plusieurs femmes restées dans le pays et leur a enseigné comment se filmer avec un téléphone portable pour témoigner de leur lutte.
Le résultat est un film profondément émouvant, mettant en lumière les parcours croisés de trois Afghanes ayant courageusement pris des risques pour partager leur vécu, illustrant la dégradation des droits des femmes dans le pays.
On découvre Zahra, une dentiste dont la clinique est menacée par les Talibans, qui devient leader des protestations contre le régime. Sharifa, autrefois fonctionnaire et maintenant sans emploi, se trouve confinée chez elle, cherchant de l’air sur son toit. Et Taranom, une activiste réfugiée au Pakistan, qui regarde impuissante son pays sombrer dans le fanatisme.
« Les restrictions s’intensifient« , déplore la réalisatrice au micro de l’AFP, critiquant le « silence écrasant » de la communauté mondiale. Pour elle, « le soutien nécessaire aux femmes afghanes n’a pas été apporté« .
« Une ségrégation de genre » sévère
Depuis leur prise de pouvoir, les talibans ont mis en place ce que l’ONU qualifie de « ségrégation de genre » en Afghanistan. Les femmes sont progressivement effacées de la vie publique : elles ne peuvent plus poursuivre des études au-delà de l’école primaire, ni fréquenter parcs, gymnases, ou salons de beauté, et leur liberté de circulation est extrêmement limitée. Récemment, une loi a même interdit aux femmes de s’exprimer publiquement, tout cela sous le prétexte d’une interprétation rigoriste de l’Islam.
« Les talibans prétendent refléter la culture et la religion (de l’Afghanistan), mais ils ne sont qu’un petit groupe ne représentant pas la diversité du pays« , a confié à l’AFP Malala Yousafzai, productrice exécutive du film.
« L’islam ne prohibe pas l’éducation des filles, ni le travail des femmesr », rappelle la militante pakistanaise, lauréate du prix Nobel de la paix en 2014, qui avait miraculeusement survécu à une attaque des talibans à 15 ans, devenant une figure emblématique de la lutte pour l’éducation des filles.
Bread & Roses capte des instants de courage extraordinaire. « Vous avez fermé les universités et les écoles, vous pourriez tout aussi bien m’ôter la vie !« , s’exclame une manifestante face à un taliban menaçant lors d’une démonstration.
Les manifestations féminines, scandant « Travail, pain, éducation !« , sont régulièrement réprimées par le régime. Les participantes font l’objet de violences, des arrestations arbitraires et certaines sont kidnappées.
Malgré tout, la lutte pour la résilience se poursuit, plus discrète mais toujours présente : certaines Afghanes poursuivent leur apprentissage par des cours clandestins.
Le monde « paye potentiellement le prix de l’inaction »
Trois ans après leur retour au pouvoir, aucun État n’a formellement reconnu le gouvernement taliban en Afghanistan. Les gouvernements du monde entier continuent de protester contre le traitement infligé aux femmes, mais sans grand résultat.
Sous le règne de Donald Trump, les fondamentalistes ont exprimé leur désir d’ouvrir « un nouveau chapitre » des relations entre Kaboul et Washington. Cependant, abandonner la protection des droits des Afghanes serait une grave erreur, selon Sahra Mani. Moins les Afghanes sont formées, plus leurs fils sont exposés à l’extrémisme qui a donné naissance aux actes terroristes du 11 septembre 2001.
« Si nous en subissons les conséquences aujourd’hui, vous risquez de payer demain« , avertit-elle aux Américains et Européens. « Les talibans prouvent qu’ils n’ont pas changé.«