Malgré leur faible représentation au sein de la classe politique, ces Français aux parcours professionnels variés soulignent leur vécu personnel et leur connaissance des obstacles rencontrés par ceux qui se sentent distants de la vie démocratique.
Comment renouer le lien entre les citoyens français et la classe politique ? L’une des pistes pourrait être l’implication de personnes issues du quotidien des classes populaires et moyennes dans le milieu politique. Aujourd’hui, à l’Assemblée nationale, moins de 8 % des élus sont issus du milieu agricole, ouvrier ou employé, tandis qu’une majorité de 60 % sont cadres ou exercent une activité à haute responsabilité intellectuelle. Pourtant, des citoyens « ordinaires », dont le parcours scolaire ou professionnel initial ne les destinait pas à une carrière politique, choisissent de franchir le pas pour apporter une nouvelle dynamique.
Noha Tefrit, avant de changer de voie, travaillait comme conseillère dans un centre d’assistance téléphonique pour une entreprise d’assurances. « J’étais sidérée par l’indifférence de nos dirigeants », confie-t-elle. Elle en est arrivée à la conclusion que « ce n’est plus tolérable, ils sont totalement coupés de la population et je serais sûrement plus compétente qu’eux dans cette fonction. » Elle a alors choisi de suivre une formation à l’école de l’engagement, un programme initié par le député socialiste Philippe Brun, avec qui elle collabore actuellement à l’Assemblée nationale en tant qu’assistante parlementaire.
Sens des réalités
Nora Teffrit décrit les obstacles qu’elle a rencontrés pour entrer dans la sphère politique et la durée nécessaire pour établir un réseau de contacts. « Même après avoir intégré l’Assemblée nationale, on m’a souvent fait comprendre que ma légitimité était contestée, qu’il y avait des personnes mieux qualifiées censées parler à ma place, » déplore-t-elle. « Alors que je suis confrontée au quotidien à des situations difficiles comme être à découvert chaque mois tout en enchaînant deux emplois. » Elle persiste néanmoins, convaincue qu’elle peut faire la différence.
Alors que Nora Teffrit a choisi un engagement à gauche, Katiana Levavasseur s’est orientée vers le Rassemblement national. Avant de devenir députée en 2022, elle occupait un emploi de femme de ménage. Elle est persuadée que c’est grâce à des parcours comme le sien que les Français retrouveront confiance en leurs représentants politiques. « Quand les gens de ma circonscription viennent me parler, ils disent ‘oui, vous, vous comprenez, parce que vous avez partagé notre vécu’, assure Katiana Levavasseur.
« Je connais bien la réalité des découverts bancaires. »
Katiana Levavasseur, députée RN de l’Eureà 42mag.fr
« Je sais ce que c’est de peiner à boucler les fins de mois, poursuit Katiana Levavasseur. Je suis plus proche de la réalité que bon nombre de députés »
« Nous n’avons pas de barrières »
Indépendamment de leurs affiliations politiques, tous ces « nouveaux venus » partagent la certitude qu’ils peuvent apporter une contribution différente. C’est également le cas de Mamadou Traoré, éducateur spécialisé, qui envisage de se présenter aux élections municipales de 2026 dans sa ville. « En tant que citoyen engagé, nous arrivons avec notre perspective, qui diverge de celle des diplômés des grandes écoles ou des membres de familles politiquement établies depuis toujours, » explique-t-il. « Notre vision est radicalement différente car nous avons vécu les conséquences des politiques locales, constatant souvent leur inefficacité. Nous, nous ne nous fixons pas de limites, nous sommes prêts à explorer de nouvelles voies, à proposer des idées inédites. »
La lutte continue malgré tout. Selon le Cevipof, en 2024, 81 % des Français estiment que les élus sont trop éloignés de leurs préoccupations quotidiennes.