Dimanche, Emmanuel Macron honorera la mémoire des 18 citoyens français qui ont disparu durant la dictature militaire des années 1970 à Buenos Aires. Par cet hommage, il prend ses distances vis-à-vis des autorités argentines actuelles, lesquelles justifient publiquement les actions menées par le régime de l’époque.
Il y a un an, lors d’un débat présidentiel en Argentine, Javier Milei avait déjà dévoilé sa vision révisionniste concernant la période de dictature qu’a traversée le pays. Il déclarait : « Pour nous, il y a eu une guerre dans les années 1970. Au cours de cette guerre, les forces de l’État ont certes commis certaines exactions. En réalité, le nombre de disparus n’est pas de 30 000 mais de 8 753 », avait-il affirmé dimanche 1er octobre 2023, atténuant ainsi l’ampleur de la tragédie.
Les personnes portées disparues désignent celles qui ont été enlevées par les militaires, soumis à la torture dans des centres secrets avant d’être exécutées. Le chiffre de 30 000 est profondément ancré dans la mémoire collective des Argentins et inscrit sur les monuments commémoratifs. Cependant, la droite radicale en Argentine conteste cette interprétation historique. Selon Marcela Perelman, directrice de recherche au CELS, le centre d’études légales et sociales, « Les procès intentés contre les militaires sont vus comme une stigmatisation ou une revanche contre l’armée. Quant à l’ouverture des archives militaires, elle est perçue comme une vengeance et une intrusion ».
« Les politiques des droits de l’homme sont perçues comme une imposture. »
Marcela Perelman, directrice de recherche au CELSà 42mag.fr
Elle poursuit en expliquant : « Face à cela, le gouvernement adopte une attitude, similaire à celle envers les mouvements féministes, qui consiste à attaquer les militants de ces causes pour ensuite pouvoir démanteler ces secteurs ainsi que leurs politiques publiques ».
Le président français, Emmanuel Macron, arrivé en Argentine samedi soir, a rencontré Javier Milei autour d’un dîner. Une réunion plus officielle est prévue pour dimanche après-midi au Palais du gouvernement. Cependant, avant cela, le chef d’État français souhaite honorer la mémoire des 18 victimes françaises de la junte militaire. Il rendra cet hommage seul, sans la présence du président de droite extrême ni même de ses représentants, dont quelques-uns soutiennent publiquement d’anciens bourreaux incarcérés.
Un geste attendu contre l’oubli et la déformation de l’Histoire
Cette démarche du président français est vivement attendue par les acteurs de la défense des droits humains. Rosalia Argüelles Biscayart, dont les trois frères français figurent parmi les disparus de la dictature, déclare : « Milei, et avec lui sa vice-présidente Villaruel, ont clairement montré une attitude de soutien aux génocidaires. Elle est même allée les rencontrer en prison, et on observe un retour inquiétant du négationnisme. Selon elle, le portrait des disparus français, dont mes frères font partie, est exposé à l’entrée de l’ambassade de France. Toutefois, il est crucial de transformer ces symboles en actions concrètes. Un geste de la part de M. Macron serait donc très apprécié ».
Le chef de l’État français prévoit de déposer, dimanche 17 novembre, une gerbe de fleurs dans une église de Buenos Aires où, en 1977, deux religieuses françaises ont été kidnappées après l’infiltration du militaire Alfredo Astiz dans leur paroisse. Ce dernier est aujourd’hui incarcéré pour crimes contre l’humanité. Ce geste fort symbolise une position idéologique distincte de celle de Milei et vise notamment à dénoncer l’impunité dont bénéficient certains militaires et à lutter contre le déni historique.