Face aux nombreux défis que rencontre le secteur industriel, en grande partie à cause des conditions internationales complexes, Alexandre Saubot estime qu’il est impératif que « l’Europe privilégie avant tout la production locale sur son propre territoire ».
Un virage nécessaire pour l’industrie européenne
Au milieu des turbulences que traverse actuellement l’industrie, particulièrement avec les problématiques liées aux coûts énergétiques et aux exigences de décarbonation, Bruxelles doit, selon Alexandre Saubot, président de France Industrie, se concentrer sur une stratégie clé : « accroître la production en Europe ». Selon lui, cela favoriserait non seulement l’activité économique et la souveraineté, mais également l’emploi. Et grâce à l’industrie européenne, parmi les plus propres, ce serait aussi bénéfique pour l’environnement.
En France, il critique des politiques comme la réduction du crédit impôt recherche ou la limitation des allégements fiscaux, qu’il perçoit comme des obstacles pour l’industrie nationale, réduisant l’attrait des investissements en France. Il en appelle donc aux pouvoirs publics pour qu’ils adoptent des mesures qui renforcent l’attrait de la France.
42mag.fr : Les nouveaux dispositifs de l’accord gouvernemental
Le gouvernement mise sur deux nouveaux leviers, dont un contrat valorisant l’expérience pour faciliter l’emploi des chômeurs plus âgés, permettant leur mise en retraite dès qu’ils sont éligibles à une pension complète. Envisagez-vous d’inciter les dirigeants, particulièrement dans l’industrie, à tirer parti de cela ?
Alexandre Saubot : Nous encourageons les dirigeants industriels à exploiter toutes les opportunités pour conserver les compétences, intégrer les seniors en cette période de défis concernant le recrutement et l’évolution des métiers. Mais cela nécessitera aussi un changement de mentalité par rapport aux pratiques antérieures.
« Nous avons aujourd’hui une responsabilité commune d’augmenter le taux d’emploi des seniors. »
Alexandre Saubot, président de France Industrieà 42mag.fr
Avec la réforme des retraites et l’âge repoussé, les perspectives s’élargissent dans une direction positive. La réforme de l’assurance chômage pour les seniors, qui décourage les séparations d’avec cette catégorie d’employés, est encourageante également. Il est cependant crucial de comprendre que le changement nécessite du temps et les nouvelles mesures doivent être intégrées progressivement.
Les opinions divergentes sur le CDI senior et le marché de l’emploi
Ces dispositifs s’apparentent au projet de CDI senior promu par le Medef, tandis que la CGT critiquait en suggérant qu’il s’agissait de « CDD seniors ».
Ce contrat s’adresse à ceux qui étaient auparavant au chômage ; son efficacité dépendra de la réaction du marché. En théorie, il offre une opportunité supplémentaire, notamment à ceux qui auraient autrement rencontré des difficultés pour réintégrer le marché du travail.
Perspectives industrielles et défis à venir
Après l’annonce de la suppression de postes chez Michelin, le ministre Marc Ferracci exprimait récemment ses craintes quant à de possibles fermetures. Partagez-vous ce sentiment ? Devons-nous nous attendre à d’autres plans sociaux en industrie ?
Effectivement, la tendance économique est morose à l’échelle globale, avec un ralentissement manifesté. En outre, l’Europe subit déjà des pressions relatives au coût de l’énergie, aux réglementations et aux décisions impactantes, notamment dans l’automobile avec l’interdiction des moteurs thermiques.
« Les décisions annoncées impacteront inévitablement l’emploi. »
Alexandre Saubot, président de France Industrieà 42mag.fr
Il est essentiel de se concentrer non seulement sur l’évolution à court terme, mais aussi sur les tendances plus longues.
Secteurs sous tension et considérations futures
Le secteur automobile demeure très préoccupant, tout comme la chimie, en raison des perturbations provoquées par la crise ukrainienne et la différence de coût énergétique entre l’Europe et le reste du monde. La concurrence chinoise, avec ses surplus, exerce également une pression inquiétante sur divers secteurs européens.
Florent Menegaux, PDG de Michelin, évoquait un manque de compétitivité en Europe, affectée par un niveau de réglementation jugé excessif et des coûts énergétiques défavorables. Partagez-vous ce point de vue ?
Saubot soutient qu’il est crucial d’entendre la voix de dirigeants tels que Menegaux, qui, d’après lui, prend des décisions après avoir envisagé diverses alternatives, mettant en avant la responsabilité et la compétence.
« Bruxelles doit entreprendre des actions qui permettent à l’Europe de rester un terreau attractif pour l’industrie. »
Alexandre Saubot, président de France Industrieà 42mag.fr
Attentes et besoins de l’Europe
À court terme, la réglementation CSRD, concernant le reporting extra-financier et les mesures des émissions de carbone, engendre des coûts administratifs gigantesques. Seule l’Europe impose ce niveau d’obligations, largement perçues comme disproportionnées vis-à-vis des objectifs déclarés. Pour Saubot, l’investissement serait plus judicieux dans des projets concrètement décarbonation.
L’impact de la politique américaine sur l’industrie européenne
Avec une possible réélection de Donald Trump, certains redoutent des mesures protectionnistes américaines. Comment abordez-vous ce contexte ?
Saubot y voit cependant une chance pour l’Europe. La politique « America First » pourrait inciter l’Europe à adopter une posture plus protectrice, stimulant ainsi une réponse concertée à une nouvelle dynamique économique mondiale.
Une réponse nécessaire de l’Europe
Pour Saubot, l’Europe doit se fixer comme priorité de favoriser la production locale en examinant minutieusement les restrictions qui entravent cet objectif. Le continent, riche en lois et normes environnementales, doit capitaliser sur sa capacité à produire de manière plus propre pour contribuer positivement à l’environnement.
Le débat fiscal en France et ses implications industrielles
En pleine discussion sur le budget en France, certaines mesures envisagées, telles que la réduction du crédit impôt recherche ou des allégements de charges, pourraient être préjudiciables pour l’industrie. Selon Saubot, ces ajustements risquent de freiner les investissements nécessaires en France. Il exhorte le gouvernement et le Parlement à prendre des décisions qui maintiennent l’attractivité industrielle du pays.
L’enjeu crucial, selon lui, demeure le financement de l’innovation et la compétitivité, moteurs principaux du développement industriel et de la décarbonation.