Le nouvel ouvrage écrit par le dirigeant du Rassemblement national, qui sera disponible dès samedi, génère une certaine gêne tant parmi les maisons d’édition que chez quelques libraires.
Bien avant son lancement officiel prévu pour le samedi 9 novembre, le livre écrit par Jordan Bardella crée des discussions animées au sein de la maison d’édition Fayard, ainsi qu’au sein d’Hachette, toutes deux récemment acquises par Vincent Bolloré. L’œuvre du chef de file du Rassemblement national fait également réagir dans le monde éditorial.
Le débat fait rage parmi les professionnels de l’édition, pris entre la critique du tremplin que Fayard offre à Jordan Bardella et leur attachement inébranlable à la liberté d’édition. C’est notamment ce qu’affirme un éditeur faisant partie du groupe Editis, concurrent d’Hachette, préférant garder l’anonymat.
« J’en ai discuté avec plusieurs collègues et amis, et nous partageons tous un peu le même ressenti : personnellement, publier Bardella me poserait vraiment un problème. »
Un éditeur du groupe Editisà 42mag.fr
« En gros, je n’aimerais pas publier ce type de livre chez moi !, explique-t-il. Cependant, je trouverais totalement anormal que le dirigeant du principal parti du pays, qu’on l’apprécie ou non, doive être publié par une petite maison d’édition plutôt qu’une grande maison généraliste. C’est une position assez paradoxale pour nous tous. »
C’est Lise Boëll, récemment nommée PDG de Fayard et proche de Vincent Bolloré, qui est à l’origine de cette initiative. Elle n’a pas souhaité répondre à nos questions. Elle avait déjà dirigé l’édition, en 2011 chez Albin Michel, du livre d’Eric Zemmour intitulé Le Suicide français, qui s’était vendu à plus de 500 000 exemplaires, et porte le projet Bardella depuis plus d’un an. Fayard a déjà imprimé près de 90 000 exemplaires de ce livre, avec un objectif minimum de 150 000 ventes, ce qui représente un pari audacieux mais risqué.
Appréhensions concernant des désaccords chez les libraires
Bien que le livre ne puisse pas être promu dans les gares, il bénéficie d’une large campagne publicitaire orchestrée par le groupe Bolloré. Une production télévisuelle qui devait révéler la face cachée de Jordan Bardella était également prévue pour être diffusée sur la chaîne C8, dans le cadre de cette stratégie de communication. « Bien que le tournage ait commencé il y a un an, le projet n’est pas encore finalisé, » nous a confié Guillaume Genton, son producteur.
Le livre provoque de l’inconfort chez les libraires. Ils ne peuvent refuser de le vendre, mais certains ont décidé de ne pas le mettre en avant. Alexandra Charroin-Spangenberg, co-directrice de la librairie de Paris à Saint-Étienne (Loire) et présidente du syndicat des libraires indépendants, qui regroupe 3 700 points de vente en France, redoute des altercations dans les librairies. Dans son commerce, l’ouvrage de Jordan Bardella ne figurera pas en vitrine, mais sera placé parmi les rayons, selon ses déclarations.
« La vitrine est un espace délicat ; en général, nous évitons de l’utiliser pour des livres nécessitant une explication sur leur présence. »
Alexandra Charroin-Spangenberg, libraire et présidente du syndicat des librairies indépendantesà 42mag.fr
« Nous préférons les placer dans les rayons où nous pouvons engager une véritable discussion d’idées avec nos clients, plutôt que de les exposer en vitrine, où l’on pourrait nous prêter des intentions erronées sans contexte adéquat, » ajoute-t-elle. De plus, Jordan Bardella ne signera pas son livre en librairie. Les séances de dédicaces se feront exclusivement dans des hôtels, des salles choisies à l’avance par son parti ou lors de rassemblements politiques.