Le président nigérian Bola Tinubu entame jeudi une visite d’État de trois jours en France, la première du genre effectuée par un dirigeant nigérian depuis plus de deux décennies, alors que Paris cherche à renforcer ses liens avec l’Afrique anglophone.
Les coups d’État militaires et les changements d’allégeance ont réduit l’influence de la France sur le continent africain, plusieurs pays tournant le dos à leur ancien dirigeant colonial et se montrant de plus en plus froids à l’égard de l’Union européenne.
Ce qui fait de la visite de Tinubu en France un signe positif pour le président Emmanuel Macron, qui recherche depuis son élection en 2017 un « renouveau » entre Paris et le continent africain.
Selon l’Elysée, la visite de Tinubu – la première d’un chef d’Etat nigérian depuis 2000 – est « une opportunité d’approfondir les relations déjà dynamiques entre la France et le Nigeria »,
Le Nigeria est le premier producteur de pétrole du continent et possède une industrie cinématographique florissante, mais les défis posés par l’insécurité et la corruption ont laissé 129 millions de Nigérians – plus de la moitié de la population du pays – vivre en dessous du seuil de pauvreté.
Pour le Nigeria, cette visite représente une opportunité d’exploiter les investissements économiques, et Tinubu et Macron devraient se rencontrer au Conseil d’affaires franco-nigérian, un forum destiné à « développer de nouveaux partenariats entre les acteurs économiques des deux pays ».
« Nous avons une politique de porte ouverte et nous voulons que vos investisseurs en profitent », a déclaré début novembre le président nigérian à l’ambassadeur de France, qualifiant Macron de « bon ami ».
Histoire coloniale
Alors que Macron tente d’inverser le déclin de l’influence de la France, il se tourne vers l’Afrique anglophone, avec des visites au Nigeria en 2018, en Éthiopie et au Kenya en 2019 et en Afrique du Sud en 2021.
« Ce n’est pas une tendance nouvelle… mais les crises au Sahel ont accéléré cette dynamique », a déclaré l’économiste togolais Kako Nubukpo à l’agence de presse AFP.
La France a subi un coup dur lorsque le Niger, le Mali et le Burkina Faso – tous sous régime militaire à la suite d’une série de coups d’État depuis 2020 – se sont réunis en septembre 2023 au sein de l’Alliance des États du Sahel, rompant les liens avec l’ancien dirigeant colonial France et se tournant vers la Russie.
Or, « les principaux partenaires commerciaux de la France en Afrique ne sont pas francophones », a déclaré Nubukpo.
En 2023, le Nigeria était le premier partenaire commercial de la France en Afrique, suivi par l’Afrique du Sud.
Partenariat entre égaux
En tant que pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigeria représente un marché prometteur malgré les défis posés par l’insécurité et la corruption.
Depuis 2009, le nord du Nigeria est en proie à divers groupes djihadistes – dont Boko Haram et une faction rivale, l’État islamique en Afrique de l’Ouest – ainsi qu’à des groupes criminels armés.
Le Conseil d’affaires franco-nigérian – lancé lors de la visite présidentielle de Macron au Nigeria en 2018 – joue un rôle de premier plan pour encourager les investissements et la coopération économique entre les deux pays.
Macron recevra ses membres, dont le milliardaire Aliko Dangote, lors de la visite d’Etat officielle avec de « gros contrats » sur la table.
La visite d’État de jeudi avec Tinubu incarne la stratégie de la France en Afrique anglophone, le Nigeria recherchant un « partenariat entre égaux, pas une leçon », notamment en matière de droits de l’homme.
Dans les années à venir, Paris espère courtiser l’Afrique de l’Est lors du Sommet Afrique-France de 2026, où la France voit des opportunités dans des pays comme le Kenya et la Zambie.