L’écrivain franco-algérien Kamel Daoud a remporté lundi le plus grand prix littéraire français, le Goncourt, pour un roman se déroulant pendant la guerre civile en Algérie entre le gouvernement et les islamistes dans les années 1990. Son principal rival était le Burundais Gaël Faye, qui a reçu lundi le prix Renaudot, un autre prix très convoité.
Il n’a fallu qu’un seul tour de scrutin au jury pour décerner le prix tant convoité à l’écrivain algérien Daoud pour son roman Houris sur ce que l’on appelle la « décennie noire » de l’Algérie.
Daoud a réagi sur les réseaux sociaux en dédiant le prix à son père décédé et à sa mère, toujours en vie, mais qui ne se souvient plus de rien, en les remerciant de leur soutien et en postant une photo de ses parents.
L’écrivain – premier Algérien à remporter le Goncourt en France – est connu pour susciter la polémique avec ses analyses de la société en Algérie et ailleurs dans le monde arabe.
Le titre Houris est une référence aux belles compagnes virginales des hommes musulmans fidèles au paradis. Il raconte l’histoire d’une jeune femme qui perd la voix lorsqu’un islamiste lui tranche la gorge alors qu’elle assiste au massacre de sa famille pendant la guerre civile.
Elle partage plus tard ses expériences avec son enfant à naître à travers un monologue interne.
« Avec Houris, l’Académie Goncourt couronne un livre où le lyrisme affronte le tragique et qui donne la parole aux souffrances liées à une époque sombre en Algérie, notamment pour les femmes », a déclaré le président du Goncourt, Philippe Claudel.
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Cependant, le sujet semble remettre en question la réticence persistante de l’Algérie à aborder publiquement la guerre civile de 1992 à 2002.
Le conflit entre groupes islamistes et armée algérienne a tué des dizaines de milliers de personnes, selon certaines estimations jusqu’à 200 000.
Depuis, l’Algérie a mis en œuvre une charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui interdit d’évoquer les « blessures de la tragédie nationale ».
Le roman est interdit en Algérie et son éditeur français Gallimard a été interdit d’accès au Salon international du livre d’Alger ce mois-ci.
Interdit en Algérie
Édition Houris Cela n’a été possible que « parce que je suis venu en France », a déclaré Daoud aux journalistes. « Parce que c’est un pays qui m’a accordé la liberté d’écrire », a déclaré cet homme de 54 ans qui a quitté sa ville algérienne d’Oran pour la France « en raison des circonstances » et a obtenu la citoyenneté.
Daoud s’est fait connaître à l’échelle internationale grâce à son premier roman de 2013. L’enquête Meursault, un récit d’Albert Camus L’Étranger, sous un angle opposé. Il a remporté avec ce livre la catégorie Premier Roman du prix Goncourt.
En 2016 – à la suite de nombreux cas d’agressions sexuelles sur des femmes par des migrants arabes à Cologne, en Allemagne – il a écrit un article d’opinion publié dans le New York Times intitulé « La misère sexuelle du monde arabe ».
Il a déclaré que « dans certaines terres d’Allah, la guerre contre les femmes et contre les couples a des airs d’inquisition », concluant que « le sexe dans le monde musulman est malade ».
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De l’Algérie au Rwanda
Le principal rival de Daoud pour l’édition de cette année était Gaël Faye ; écrivain, compositeur et rappeur, 42 ans, dont le roman Jacaranda traite de la reconstruction du Rwanda après le génocide de 1994.
Faye a reçu lundi le Prix Renaudot, un autre prix très convoité décerné lors de la saison des concours littéraires français, tout en perdant le Goncourt au profit de Daoud.
Jacaranda est le deuxième roman de Faye, née au Burundi d’une mère rwandaise et d’un père français, installée à Kigali depuis une dizaine d’années.
Comme son précédent, Petit Pays, (Petit pays), ce roman raconte la vie des Rwandais à l’ombre des massacres de 1994.
Les prix prestigieux suscitent généralement des ventes de livres par centaines de milliers pour les auteurs gagnants.
Sorti en 2016, le premier roman de Faye Petit Pays a remporté, entre autres prix, le Goncourt des lycéens, puis s’est vendu à 1,5 million d’exemplaires, a été traduit dans le monde entier, a été adapté en bande dessinée, puis en film.
Le président Emmanuel Macron a félicité les deux écrivains sur la plateforme de réseau social X, affirmant que « grâce à leurs voix, notre langue française exprime encore mieux la beauté, la tragédie et l’universalité ».
(avec fils de presse)