Les Français ont moins de relations sexuelles mais avec plus de partenaires, tout en explorant des pratiques sexuelles plus variées, révèle une grande enquête nationale. Les résultats montrent également que les signalements de violences sexuelles ont doublé depuis la dernière enquête de 2006.
L’enquête – réalisée par l’Inserm, organisme de recherche en santé publique en France – est la première exploration majeure de la sexualité en France depuis près de deux décennies. À grande échelle, les chercheurs ont interrogé 31 000 personnes sur une période de deux ans.
Un changement significatif constaté par l’enquête publiée cette semaine est que les jeunes ont leurs premiers rapports sexuels un peu plus tard – à 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes. En 2006, l’âge déclaré était de 17,3 ans pour les femmes et de 17,5 ans pour les hommes.
Les gens ont également déclaré avoir eu plus de partenaires sexuels que la moyenne précédente : les femmes âgées de 18 à 69 ans ont déclaré avoir eu en moyenne 7,9 partenaires au cours de leur vie, tandis que pour les hommes, ce chiffre était de 16,4. Dans l’enquête de 2006, ces chiffres étaient respectivement de 4,5 et 11,2.
Cependant, il y avait des divergences dans la façon dont les hommes et les femmes choisissaient de déclarer le nombre de personnes avec qui ils avaient couché. Les femmes ne prenaient en compte que « les hommes qui comptaient », tandis que les hommes incluaient aussi « les coups d’un soir », explique la sociologue Nathalie Bajos, l’une des deux principales auteurs de l’étude.
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Expériences homosexuelles
En 2023, pour la première fois, les femmes âgées de 18 à 29 ans ont déclaré avoir eu plus de relations homosexuelles que les hommes : 14,8 % des jeunes femmes avaient eu au moins un partenaire du même sexe, contre 9,3 % des jeunes hommes.
Près d’un tiers des femmes ont déclaré avoir été attirées par le même sexe, contre 13,8 % des hommes. Et plus d’un tiers des jeunes femmes et un jeune homme sur six déclarent ne pas être strictement hétérosexuels.
L’enquête suggère une raison à ce changement : « Dans un contexte social marqué par la diffusion croissante des idées féministes, ces jeunes femmes semblent s’orienter de plus en plus vers d’autres trajectoires sexuelles dans lesquelles la violence et les inégalités sont moins répandues. »
Près de 90 pour cent des femmes et 56 pour cent des hommes âgés de plus de 18 ans ont déclaré considérer l’homosexualité comme une sexualité comme une autre.
Rencontres numériques
Les plateformes en ligne jouent un rôle croissant dans les relations modernes. Parmi les personnes interrogées de moins de 30 ans, près de 40 pour cent des femmes et 43,5 pour cent des hommes ont déclaré avoir rencontré un partenaire sexuel sur Internet.
De plus, 36,6 pour cent des femmes et 39,6 pour cent des hommes du même groupe d’âge ont déclaré avoir envoyé des images intimes.
Moins fréquent, plus satisfaisant
L’étude a également identifié une baisse de la fréquence des relations sexuelles pour les deux sexes et dans toutes les tranches d’âge.
En 2023, 77,2 pour cent des femmes et 81,6 pour cent des hommes ont déclaré avoir eu des relations sexuelles au cours de l’année écoulée, contre 82,9 pour cent et 89,1 pour cent en 2006.
« Cette baisse est à mettre en perspective avec une augmentation du nombre de rapports sexuels considérés comme agréables », estime Armelle Andro, co-auteure de l’enquête.
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« C’est une remise en question de la disponibilité sexuelle des femmes notamment, qui entraîne mécaniquement une baisse des rapports sexuels. »
Malgré la baisse de fréquence, une majorité de personnes restent sexuellement actives, y compris celles âgées de 50 à 89 ans. Parmi ce groupe, 56,6 pour cent des femmes et 73,8 pour cent des hommes ont déclaré avoir eu des relations sexuelles.
La satisfaction sexuelle varie avec l’âge mais reste relativement élevée. Environ 45 pour cent des femmes et 39 pour cent des hommes de tous âges se sont déclarés « très satisfaits » de leur vie sexuelle actuelle.
L’étude note également une augmentation des pratiques sexuelles plus variées. Près de 80 pour cent des femmes âgées de 18 à 69 ans ont déclaré se masturber, contre 42,4 pour cent en 1992 et 56,5 pour cent en 2006.
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Augmentation des violences sexuelles
L’enquête a montré une forte augmentation des signalements de violences sexuelles.
Un tiers des femmes âgées de 18 à 69 ans ont déclaré avoir subi ou tenté un rapport sexuel forcé, contre 15,9 pour cent en 2006. Pour les hommes, ce chiffre est passé de 4,6 pour cent à 8,7 pour cent.
« Ces chiffres reflètent à la fois une augmentation de la fréquence liée à l’abaissement du seuil de tolérance aux violences sexuelles intra-conjugales, (mais aussi) une plus grande capacité à identifier ces faits et à les déclarer dans des enquêtes », a déclaré Bajos.
Un procès pour viol collectif relance la question du consentement en droit français
Ces résultats surviennent alors que les débats sur la redéfinition du viol en droit français refont surface.
Le procès pour viol de Mazan, dans lequel un homme est accusé d’avoir orchestré le viol de sa femme par plusieurs inconnus alors qu’elle était droguée, a attiré l’attention sur les lacunes des définitions juridiques du consentement.
Le rapport souligne l’évolution des opinions sur le viol conjugal, qui n’a été reconnu dans la loi française qu’en 1992.
« Des actes qui étaient autrefois considérés comme ‘normaux’ peuvent désormais être qualifiés, à juste titre, de rapports sexuels forcés », indique le texte.