Mardi, la leader des députés du parti d’extrême droite s’est de nouveau présentée devant le tribunal. Cette fois, il s’agissait de répondre aux accusations de complicité dans une affaire de détournement de fonds publics européens.
Marine Le Pen a passé l’après-midi agitée sur le banc des accusés. Le mardi 5 novembre, elle a été interrogée pour la dernière fois dans le cadre du procès sur l’affaire des assistants parlementaires du Front national, qui est aujourd’hui connu sous le nom de Rassemblement national. En tant qu’ancienne présidente du parti d’extrême droite, Marine Le Pen a été entendue pour complicité présumée de détournement de fonds publics européens. Juste avant de s’approcher de la barre, elle a confié aux journalistes qu’elle était « impatiente » et se sentait comme si elle s’était heurtée à un « mur » durant ces six semaines de procès.
Malgré ce sentiment de frustration, Marine Le Pen s’est dirigée vers la barre avec assurance, vêtue de son habituel costume sombre, les bras chargés de documents. Habituée aux batailles politiques grâce à ses nombreuses candidatures présidentielles, elle a mis à profit son passé d’avocate pour essayer de démanteler la notion de « système » centrale à l’accusation. Selon les résultats de l’enquête, elle serait l’une des figures centrales de ce mécanisme de détournement, où les enveloppes réservées aux collaborateurs des députés européens, d’un montant de 21 000 euros mensuels, auraient été détournées pour alléger la masse salariale du parti, comme l’a souligné la présidente de la 11e chambre correctionnelle, Bénédicte de Perthuis.
Comparaison entre « tomate » et « cocaïne »
Marine Le Pen a commencé par contester les accusations lors de sa déclaration liminaire, en soulignant que seuls quatre des assistants parlementaires, dont un à mi-temps, provenaient du personnel salarié du parti, et que parler de système était injuste. Pour illustrer son point, elle a utilisé une métaphore frappante en déclarant que si l’on croit que « tomate » équivaut à « cocaïne », alors tout ce qu’on achète devient suspect.
« Il m’a souvent semblé que votre jugement était déjà fait. Et pourtant, je suis venue ici avec la volonté claire d’apporter toutes vos réponses. »
Marine Le Pendevant le tribunal correctionnel
Marine Le Pen a passé une heure et demie à répondre aux questions soulevées durant les débats auxquels elle a assisté avec dévouement depuis fin septembre. En s’occupant elle-même de sa défense, elle a évoqué le concept de « mutualisation » des assistants, qui se retrouvaient parfois transférés d’un député européen à un autre tout en travaillant pour le FN, selon l’accusation. Elle a souligné qu’ils n’ont jamais reçu de réprimande de la part du Parlement. À son avis, on juge aujourd’hui avec les normes d’aujourd’hui, alors que les règles à l’époque n’étaient pas en place ou étaient beaucoup plus flexibles.
Concernant la gestion centralisée des fonds par les experts-comptables sous la supervision du parti, Marine Le Pen explique que cette centralisation est ancrée dans les pratiques du FN et souligne les difficultés rencontrées par le parti pour trouver des prestataires. Elle affirme que le parti était souvent évité en raison de sa connotation politique. Elle affirme aussi n’avoir jamais demandé à un député de recruter un assistant en particulier, tout en défendant son droit de regard pour maintenir l’entreprise de dédiabolisation du parti, évitant de se justifier sur les discours polémistes d’un conseiller municipal devenu assistant parlementaire.
Stratégies et argumentaires
Marine Le Pen a continué de mettre en place sa stratégie de défense en abordant la question de la « localisation » des assistants parlementaires dont l’adresse était souvent celle du siège du parti à Saint-Cloud. Pour les juges, cela indiquait qu’ils n’opéraient pas au sein du Parlement européen. Elle a objecté que, au Parlement européen, les députés n’ont pas de bureaux attitrés, affirmant que l’adresse des assistants était administrative. Sur la nature des fonctions des assistants, Marine Le Pen a défendu sa position habituelle depuis le début du procès.
« Être assistant parlementaire est un titre, mais cela n’indique rien sur les fonctions réelles. On peut être secrétaire, rédacteur, juriste, graphiste, garde du corps ou assurer une permanence. Et on ne peut pas empêcher un assistant parlementaire d’avoir un rôle politique. »
Marine Le Pendevant le tribunal correctionnel
Lors de son premier interrogatoire à la mi-octobre, Marine Le Pen a juré que les assistants parlementaires embauchés durant son mandat de députée européenne travaillaient bien pour elle, affirmant qu’elle n’avait rien fait d' »illégal », tout comme les huit autres anciens eurodéputés frontistes et douze de leurs assistants également jugés pour détournement de fonds publics et complicité.
Après avoir détaillé ses arguments initiaux une dernière fois, cherchant à influencer la perception du tribunal sur cette affaire, Marine Le Pen s’est dite prête à répondre aux questions. Avant de commencer, la présidente a déclaré que la question cruciale était de déterminer si les assistants parlementaires travaillaient bien pour les députés européens auxquels ils étaient rattachés, ou uniquement pour le FN. La décision du tribunal sera rendue à la fin des débats, prévue pour la fin novembre. Risquant jusqu’à dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende, Marine Le Pen pourrait également encourir une peine d’inéligibilité, impactant ses aspirations pour la prochaine élection présidentielle prévue en 2027.