Le metteur en scène aux origines françaises et belges, Guillaume Senez, aborde dans son œuvre un sujet dramatique qui affecte plusieurs parents, qu’ils soient japonais ou d’autres nationalités, vivant au Japon.
Après avoir exploré la thématique de la parentalité à travers des histoires poignantes dans Keeper en 2015, qui dépeint un couple adolescent face à l’arrivée d’un enfant, puis Nos batailles en 2018, où il suit les épreuves d’un père célibataire, Guillaume Senez, cinéaste belge, se penche à nouveau sur cette question avec son nouveau long-métrage Une part manquante. Ce film, qui sortira en salle le 13 novembre 2024, raconte l’histoire d’un père qui part à la recherche de sa fille à Tokyo, qu’il n’a pas vue depuis près de dix ans.
Le récit suit Jérôme, surnommé « Jay », un quadragénaire qui exerce le métier de chauffeur de taxi à Tokyo. Après des années de recherche infructueuse pour retrouver sa fille Lily, il envisage de rentrer en France afin de valider la vente de sa maison. Mais le destin lui joue un tour lorsque, par hasard, une adolescente entre dans son taxi. Elle a une jambe plâtrée et ressemble étrangement à sa fille.
Bouleversé par cette rencontre inattendue, Jay découvre peu après que ses doutes sont fondés : cette jeune fille est bien Lily. Âgée de 12 ans, il ne l’a pas vue depuis que sa mère japonaise a emporté sa garde neuf ans plus tôt. Pour éviter de l’effrayer, Jay se débrouille pour devenir le chauffeur attitré de sa fille lors de son trajet scolaire. Cela lui offre l’occasion précieuse de renouer avec elle progressivement.
Le phénomène des « enfants enlevés » au Japon
Évoquant un sujet délicat et peu abordé au cinéma, ce troisième film de Guillaume Senez jette un regard sur le problème des « enfants enlevés » au Japon. Cette situation a précédemment été illustrée dans la littérature par Olivier Adam dans son roman Tout peut s’oublier, sorti en 2021. Le système judiciaire japonais, jusqu’à récemment, ne reconnaissait pas la garde partagée. Ainsi, la garde d’un enfant était souvent accordée au parent qui en prenait possession en premier, ce qui a mené à de nombreux cas d’enlèvement par des parents séparés ou divorcés. On estime à environ 150 000 le nombre d’enfants touchés par ce phénomène chaque année. Ce problème est doublement complexe lorsque l’un des parents est étranger. Depuis lors, le Japon a modifié ses lois pour permettre la garde partagée.
Guillaume Senez raconte à 42mag.fr que c’est en discutant avec des expatriés, lors de la promotion japonaise de son film précédent Nos batailles, qu’il a découvert cette réalité douloureuse. Ce sujet les a profondément émus, lui et Romain Duris. « Il semblait y avoir une continuité presque naturelle par rapport aux thématiques qu’abordait Nos batailles », raconte le réalisateur, alors qu’il réfléchissait à un nouveau projet avec l’acteur.
Cette thématique sociétale permet à Senez de poursuivre son exploration de la parentalité, un questionnement central dans son œuvre. Tandis que Nos batailles illustrait un père submergé par les obligations quotidiennes, Une part manquante met en lumière l’absence douloureuse d’un enfant dans la vie d’un parent.
Le film décline aussi l’histoire d’un Français en terre étrangère. « On aurait pu choisir de montrer un parcours migratoire inverse, celui d’une personne venant d’Afrique ou d’Europe de l’Est et tentant de s’intégrer en France. Mais nombreux sont déjà les films racontant cette histoire. Alors, pourquoi ne pas montrer la situation d’un Français migrant et les complexités qui l’accompagnent ? » évoque Senez.
Une mise en scène mettant les acteurs au cœur du récit
Guillaume Senez choisit une approche dépouillée dans sa mise en scène, plaçant Tokyo en toile de fond à travers les fenêtres du taxi de Jay. Habilement, il mène ses acteurs, dont Romain Duris, qui évolue avec aisance dans la métropole nippone, étonnant par sa maîtrise de la langue japonaise. Son interprétation émotive d’un père submergé par des sentiments qu’il doit dissimuler pour préserver ses chances de retrouvailles avec sa fille ne laisse pas indifférent.
Si ce long-métrage se focalise principalement sur le parcours de Jay, il intègre également d’autres récits qui enrichissent cette problématique sociale. Des personnages secondaires, comme un père japonais désespéré ou Jessica, interprétée par une Judith Chemla épatante, apportent un éclairage sur les tourments initiaux de colère et de désespoir qu’a endurés Jay.
Avec Une part manquante, Guillaume Senez étoffe son œuvre personnelle, centrée sur les liens familiaux au cœur d’une fresque sociale mondiale plus vaste. Une perspective captivante à découvrir.
Fiche technique
Genre : Drame
Réalisateur : Guillaume Senez
Acteurs : Romain Duris, Judith Chemla, Mei Cirne-Masuki
Pays : Belgique, France, Japon
Durée : 1h38
Sortie : 13 novembre 2024
Distributeur : Haut et Court
Synopsis : Au volant de son taxi dans la grande ville de Tokyo, Jay consacre chaque jour à la quête de sa fille Lily. Neuf ans de séparation lui ont été imposés, sans jamais obtenir sa garde. À l’aube de son retour prévu en France, une clarté inattendue surgit lorsqu’elle monte à bord de son taxi…