Dimanche, le constructeur automobile Stellantis a communiqué que Carlos Tavares a décidé de quitter son poste, et cela prend effet immédiatement.
Un dirigeant charismatique sur le départ. Carlos Tavares, qui assurait les fonctions de directeur général pour le groupe automobile Stellantis, a été poussé à quitter son poste ce dimanche 1er décembre, en raison de pressions exercées par le conseil d’administration. Le groupe Stellantis, alliance franco-italo-américaine possédant des marques emblématiques telles que Peugeot, Citroën, Fiat, Chrysler, Opel, Lancia ou Jeep, se sépare ainsi de son incontournable leader de 66 ans, bien avant qu’il ne prenne sa retraite comme annoncé en octobre dernier. Ce départ imprévu a été motivé par des « différences de vues », d’après une déclaration de l’entreprise, mettant fin à plus d’une décennie de collaboration fructueuse. Franceinfo revisite ce parcours à travers cinq moments marquants.
1 Le 1er avril 2014 : arrivée à la tête de Peugeot
L’histoire débute avec le groupe Peugeot, bien avant la création de Stellantis. Après un départ remarqué du géant Renault, où il a passé plus de trois décennies, Carlos Tavares rejoint, à la fin de 2013, le groupe concurrent, dirigé par la famille Peugeot. À cette époque, la marque au lion peine à obtenir des résultats satisfaisants et frôle la faillite. L’appel est lancé à l’État français et au partenaire chinois Dongfeng pour sauver l’entreprise. En conséquence, la famille Peugeot perd le contrôle de son prestigieux groupe centenaire.
Carlos Tavares prend les rênes de la division automobile du groupe début avril 2014, dévoilant son ambitieux plan de relance baptisé « back to the race ». Il se décrit volontiers comme un « obsessionnel de la performance« , selon Les Echos, et applique des mesures drastiques : réduction des coûts, rationalisation des gammes de produits, augmentation des marges et forte pression sur le management.
Le redressement de l’entreprise est fulgurant, transformant Peugeot en un cas d’école de réussite. Dès la première année, le groupe renoue avec le succès, illustré par la popularité de modèles phares comme le SUV 3008. Certains experts soulignent que Carlos Tavares a tiré parti de mesures antérieures, initiées par son prédécesseur, telles que la fermeture de l’usine de Peugeot à Aulnay-sous-Bois, pour réduire les dépenses.
2 Le 6 mars 2017 : acquisition d’Opel par PSA
Après avoir rétabli la santé de Peugeot, le groupe nourrit des ambitions expansionnistes. Devenu PSA en 2016, il saisit l’opportunité de racheter Opel. Depuis 1929, Opel appartenait à General Motors, mais le groupe américain cède sa marque allemande ainsi que Vauxhall, marque britannique, pour 1,3 milliard d’euros.
La rapide transformation d’Opel est perçue comme le plus grand succès de Carlos Tavares. Bien que la marque allemande ait rencontré de sérieuses difficultés depuis plusieurs années, elle retrouve rapidement la profitabilité. Pour y parvenir, Opel procède à une réduction drastique de ses effectifs, se séparant de 5 200 employés en Europe en 2018, dont 3 700 en Allemagne.
3 Le 30 octobre 2019 : fusion avec Fiat Chrysler
Un tournant majeur pour Carlos Tavares. En octobre 2019, PSA et Fiat Chrysler Automobile (FCA) annoncent leur union pour créer le quatrième plus grand constructeur automobile au monde, juste derrière Volkswagen, Toyota et Renault-Nissan-Mitsubishi. Fiat Chrysler avait précédemment tenté, sans succès en juin 2019, de s’associer avec Renault.
Cette fusion évaluée à 50 milliards de dollars nécessite que le groupe Peugeot accepte de céder sa place de plus gros actionnaire à une autre dynastie emblématique, la famille Agnelli, fondatrice de Fiat, détenant 14,5% des actions. Les familles Peugeot, l’État français et Dongfeng, constructeur chinois, détiennent chacun 6% des parts.
Stellantis établit son siège social aux Pays-Bas, avec Carlos Tavares à sa tête. Ce géant rassemble environ 250 000 collaborateurs et de nombreuses marques prestigieuses telles que Abarth, Alfa Romeo, Chrysler, Citroën, Dodge, DS Automobiles, Fiat, Jeep, Lancia, Maserati, Peugeot, Opel, Vauxhall et Ram.
4 Le 16 avril 2024 : rémunération controversée de 36,5 millions d’euros
Carlos Tavares est classé parmi les PDG les mieux rémunérés du CAC 40. Début avril, sa rémunération a fait la une en France, suscitée par des critiques la qualifiant de « choquante » et « excessive », y compris au sein du gouvernement. Les actionnaires de Stellantis approuvent à plus de 70% une rémunération pour 2023 atteignant potentiellement 36,5 millions d’euros, marquant une hausse de 56% par rapport à l’année précédente. Cette somme inclut principalement des primes en lien avec les performances éclatantes de l’entreprise.
Depuis que la pandémie de Covid a ralenti, Stellantis se démarque par ses résultats impressionnants dans un secteur automobile sous tension. En 2023, le groupe enregistre un bénéfice net sans précédent de 18,6 milliards d’euros. Carlos Tavares maintient chez Stellantis les stratégies coordonnées chez PSA : réduction des coûts, fermetures d’usines, rationalisation des achats avec les fournisseurs et pression sur ses collaborateurs. Il se targue aussi de l’application de tarifs plus élevés, réduisant l’impact des rabais commerciaux sur les marges bénéficiaires.
En réponse à la polémique, Tavares garde le cap. « Faites une loi et je la suivrai », déclare-t-il sur France Bleu Lorraine Nord, balayant les critiques d’un revers de main.
5 Le 1er décembre 2024 : annonce de la démission
Alors que 2024 touche à sa fin, les performances de Carlos Tavares ne font plus l’unanimité et ses méthodes laissent des traces. Deux mois auparavant, Stellantis évoque une « détérioration » des conditions globales du marché automobile, signalant des difficultés particulièrement marquées aux États-Unis. En Europe, certaines marques comme Fiat, Citroën ou Maserati souffrent des retards dans le lancement de nouveaux modèles, compliqués par des soucis électroniques. Stellantis réévalue ainsi ses objectifs, prévoyant une marge comprise entre 5,5% et 7% pour l’année, bien loin des ambitions initialement à deux chiffres. Des rappels massifs de véhicules, dus à des défauts d’airbags, viennent aggraver la situation.
Dimanche dernier, le conseil d’administration de Stellantis conclut que le contexte n’est plus favorable et accepte à l’unanimité la « démission » de Carlos Tavares, dont la retraite était prévue pour début 2026. Un désaccord stratégique est annoncé, soulignant des « points de vue différents » entre le conseil et Tavares. Suite à cette annonce, l’action Stellantis chute drastiquement à la Bourse de Paris.
Le départ de Tavares est salué par divers syndicats de l’industrie automobile. Jean-Pierre Mercier, représentant du syndicat SUD Stellantis à Poissy, déclare à 42mag.fr : « Sa gestion a conduit à des milliers de suppressions d’emplois. La politique ne changera pas malgré son départ, mais son absence ne sera pas regrettée par les employés. »