Lors de son discours jeudi, le chef de l’État a assuré qu’il désignerait bientôt un nouveau Premier ministre, à la suite du rejet du gouvernement Barnier. Depuis, plusieurs noms potentiels pour occuper le poste de Premier ministre circulent avec insistance.
« Je vais désigner un nouveau Premier ministre dans les jours qui viennent. » C’est ce qu’a annoncé Emmanuel Macron lors de son discours, qui a capté l’attention de 17,5 millions de téléspectateurs le jeudi 5 décembre. Sa déclaration intervient suite à la dissolution de l’équipe gouvernementale, et il a assuré que la personne choisie prendra la relève de Michel Barnier. « Je lui confierai la tâche de constituer un gouvernement d’intérêt général qui inclura tous les partis politiques qui souhaitent participer ou, au moins, promettent de ne pas le mettre en péril », a-t-il détaillé.
Depuis cette annonce, les discussions en arrière-plan s’intensifient alors que les consultations se multiplient à l’Elysée. Après s’être entretenu avec les membres du « socle commun » qui composait l’ancien gouvernement, ainsi qu’avec les socialistes, Emmanuel Macron a prévu de discuter lundi avec les dirigeants du PCF et ceux des écologistes, alors que la LFI a décliné l’invitation.
Le choix de la direction que prendra le futur gouvernement suscite de vifs débats, mais le profil du prochain Premier ministre anime tout autant les conversations dans les cercles du pouvoir. Plusieurs noms ressortent pour succéder à Michel Barnier. Franceinfo vous en expose trois.
François Bayrou : l’allié de longue date du président
Serait-ce l’opportunité pour celui qui a apporté son soutien à Emmanuel Macron dès 2017 ? Le chef du MoDem, qui a déjeuné jeudi dernier avec le Président, revient fréquemment dans les suppositions pour Matignon. « Il faut renforcer l’ancrage du côté des Républicains (LR) et du Parti socialiste (PS) », affirme un proche de l’ancien ministre de la Justice. LR ne soutiendra pas un Premier ministre issu de la gauche, de même que le PS s’opposera à un chef de gouvernement venant des rangs de la droite, et le Rassemblement national (RN) s’opposera systématiquement à celui qui proviendrait de la droite. »
« Pour la première fois, les conditions pourraient permettre de concrétiser le projet qu’il a conceptualisé et défendu tout au long de sa carrière. »
Un proche de François Bayrouà 42mag.fr
« François Bayrou est un des rares à dialoguer avec tout le monde, et il faut un gouvernement stable », loue l’ancien député centriste des Yvelines, Bruno Millienne. « Il coche de nombreuses cases, notamment l’équilibre au Parlement entre une droite modérée et une gauche modérée. Il incarne également, comme Michel Barnier, une figure rassurante : les citoyens français ne souhaitent plus de jeunes entrepreneurs parisiens à la tête du gouvernement », affirme Richard Ramos, député MoDem. « Il maintient aussi un équilibre entre fidélité envers le président et une certaine liberté. »
L’ancien candidat à la présidence a même reçu le soutien de Bernard Cazeneuve lors d’un séjour dans l’Eure, le 6 décembre. « Évidemment, il ferait un excellent Premier ministre. Il a toutes les qualités requises », a répondu l’ancien ministre de l’Intérieur, interrogé par LCI et BFMTV. François Bayrou « possède une expérience politique indéniable. Il a exercé diverses responsabilités au sein de l’État. C’est un homme qui connaît les rouages de l’administration publique », a précisé l’ex-chef du gouvernement socialiste.
Néanmoins, chez les Républicains, l’enthousiasme est tempéré. « Notre principal point de désaccord réside dans la proportionnelle, un enjeu central pour [François] Bayrou. Nous restons attachés au scrutin majoritaire à deux tours », confie une parlementaire de droite. « Bayrou, c’est irréaliste, car ni les socialistes ni les Républicains ne souhaitent de lui », estime un partisan d’Emmanuel Macron. « Je suis perplexe quant à cette option, » confirme un autre protagoniste. De plus, le maire de Pau (Pyrénées-Atlantiques) n’en a pas fini avec ses démêlés judiciaires, car le parquet a fait appel après son acquittement initial dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem.
Sébastien Lecornu, le loyal serviteur du président
Issu des Républicains, Sébastien Lecornu s’est progressivement rapproché d’Emmanuel Macron depuis 2017. L’actuel ministre des Armées est l’un des rares membres à avoir survécu au sein de l’exécutif depuis le premier mandat présidentiel de Macron. « Je ne suis candidat à rien », a-t-il déclaré, le 5 décembre, sur RTL.
Si Sébastien Lecornu était désigné à Matignon, Emmanuel Macron bénéficierait d’un collaborateur dévoué, à l’opposé de l’optique de « cohabitation » qui avait marqué la nomination de Michel Barnier. « Avec [Sébastien] Lecornu, [le président] reviendrait aux commandes avec un proche capable de résister à Marine Le Pen. Une personne conciliante face à l’Élysée, apte à faire le lien aussi bien avec la gauche qu’avec la droite », analyse un conseiller de la présidence.
« Il est compétent, a fait ses preuves avec la loi de programmation militaire adoptée presque unanimement, et sait s’adresser à tous », soutient une élue de droite. « C’est un profil unificateur, discret et efficace », loue un député du groupe Ensemble pour la République (EPR).
« Il remplit tous les critères pour collaborer avec une gauche modérée sans alarmer une droite responsable. »
Un député EPRà 42mag.fr
« Cela fait un mois que cette option circule, promue par ceux qui ont orchestré la dissolution. Ils estiment que [Sébastien] Lecornu pourrait négocier avec le RN, alors qu’ils continueront simplement à nous faire marcher », livre un partisan de Macron. « Cela apporterait-il quelque chose d’utile ? Cela résoudrait-il des problèmes politiques ? », s’interroge un ancien conseiller proche de l’exécutif, qui rappelle que l’équipe présidentielle a essuyé deux défaites électorales, aux européennes et aux législatives. « Entamer des discussions avec le RN serait désastreux pour lui politiquement à long terme », ajoute-t-il.
Qui plus est, rien ne garantit que l’ensemble du centre se réjouisse à l’idée d’une telle nomination. En premier lieu, l’ex-Premier ministre et président du groupe EPR à l’Assemblée : « [Sébastien] Lecornu n’a jamais vraiment fait partie de l’équipe [Gabriel] Attal », glisse un conseiller ministériel. « Je pense qu’une autre proposition s’impose, cela pourrait induire des réticences », affirme un parlementaire EPR.
Bernard Cazeneuve, le choix de la social-démocratie
Cette possibilité avait été évoquée de manière insistante pendant l’été, gagnant l’adhésion d’une partie du bloc central. Toutefois, elle divisait profondément à gauche, qui avait persévéré avec son choix de Lucie Castets. Bernard Cazeneuve n’est pour autant pas resté inactif. L’ex-Premier ministre a, par exemple, répondu à plusieurs invitations pour s’exprimer devant des parlementaires, comme ce fut le cas à l’Assemblée le 13 novembre. « J’ai de l’admiration pour [lui], cela ne signifie pas que je suis d’accord sur tous les sujets. Peut-il contribuer au bien du pays ? Oui, mais il n’est pas le seul », a déclaré Édouard Philippe sur BFMTV, le 6 décembre.
À l’intitiative de @HHuwart, nous sommes de nombreux parlementaires aux côtés de @BCazeneuve pour un moment de réflexion et de débats autour des enjeux pour notre pays et pour l’#Europe #directAN pic.twitter.com/5Qg7m31atF
— Erwan Balanant (@erwanbalanant) November 13, 2024
« La question est de déterminer : ‘Peut-on, avec d’autres, dans le cadre d’une démarche politique, être utile à son pays ? S’il est nécessaire d’être disponible pour être efficace, je serai toujours prêt », affirmait Bernard Cazeneuve à France 3 le 18 novembre, durant une séance de rencontres dans le Calvados. Quelle est aujourd’hui la position des socialistes sur ce profil ? « Le vrai sujet, c’est la ligne politique, pas la personne », écarte un responsable socialiste. « C’est au président de trancher, la question du nom est de son ressort plus que du nôtre. »
Néanmoins, un cadre influent du PS l’assure : « Si Bernard Cazeneuve est choisi pour diriger Matignon, je ne vois pas les socialistes s’opposer à cette décision, personne ne voudra le contester. Une évolution significative s’est produite depuis cet été. »
« La possibilité que Bernard Cazeneuve soit nommé est mince. Pourquoi [Emmanuel] Macron se lancerait-il dans une logique de cohabitation ? »
Un poids lourd du PSà 42mag.fr
« Cazeneuve n’incarne pas le gouvernement que je rêve, mais il pourrait offrir une stabilité politique », confirme un député socialiste. Le chef du PS, Olivier Faure, s’est déclaré ouvert à la discussion concernant le « gouvernement d’intérêt général » souhaité par le Président, mais à condition que des « concessions réciproques » soient envisagées. Il a réclamé au Président « un Premier ministre issu de la gauche », sans mentionner explicitement l’ancien ministre de l’Intérieur.
Certains, au sein du bloc central, restent sceptiques quant aux intentions réelles du PS. « Je suis persuadé que les socialistes bluffent. En définitive, ils ne viendront jamais prêter main-forte, » confie un député EPR.