Dans cette adaptation du roman d’Emmanuel Carrère, le comédien britannique Ben Whishaw livre une performance impressionnante.
Une recette pour le succès littéraire en URSS
Un ancien poète russe reconverti en entrepreneur a partagé son point de vue sur la manière de s’imposer en tant qu’auteur soviétique. Il estime qu’il est nécessaire de publier à Paris, revenir en URSS pour y être emprisonné, et ainsi atteindre la notoriété. Edouard Limonov, avide de reconnaissance, a suivi ce chemin. Il a traversé des périodes de succès modeste et de déchéances. Inconnu en Ukraine, alors une république de l’Union soviétique, il a été exilé sans toutefois être un opposant, a toujours embrassé le communisme tout en adoptant un mode de vie libertaire, est devenu un romancier et, finalement, un militant fasciste rêveur d’un retour à la grandeur de l’empire soviétique.
Le défi de l’adaptation cinématographique
Comment capter l’essence de cet homme hors du commun, même dans ses débordements ? Le réalisateur russe Kirill Serebrennikov apporte une réponse audacieuse et créative à travers le film Limonov, la ballade, qui arrive dans les salles le mercredi 27 novembre 2024.
Dans cette œuvre, Serebrennikov utilise des éléments visuels spectaculaires, des innovations scéniques et des cadrages impressionnants. La bande sonore y joue un rôle essentiel, elle est un compagnon inséparable de Limonov lors de son parcours mouvementé.
Un traitement narratif contrasté
Sur le plan du scénario, le réalisateur laisse le spectateur sur sa faim. La dimension politique d’Edouard Limonov est effleurée. Pourtant, Limonov, devenu chef d’une petite formation ultranationaliste et communiste, le Parti national-bolchévique fondé en 1993, incarne un mélange explosif exploité par certaines autorités russes dont l’influence subsiste encore sous Vladimir Poutine.
Serebrennikov choisit de s’éloigner du véritable Edouard Limonov au profit d’un personnage inventé. Il souligne que son œuvre n’est ni une biographie fidèle ni un biopic de Limonov, mais une interprétation cinématographique du livre d’Emmanuel Carrère portant le même nom, lequel apparaît brièvement dans le film.
Un long cheminement de création
La production de ce film, un projet de cinq ans, a été marquée par la guerre en Ukraine. Pour illustrer les États-Unis des années 1970, des décors new-yorkais ont été reconstitués à Moscou. À l’amorce du conflit, le principal acteur, Ben Whishaw, dont la performance est remarquable, a dû quitter la Russie. Le tournage s’est poursuivi en Lettonie six mois après. Le segment sur New York brille par sa flamboyance, montrant comment Limonov, confronté à une ville en ruine, abandonne ses idéaux pour un poste de majordome chez un milliardaire. Ainsi, il devient à la fois artisan et victime du désordre qui l’entoure.
Limonov, la ballade offre une mise en scène éblouissante signée par un Kirill Serebrennikov inspiré, bien qu’il puisse laisser un sentiment d’incomplétude quant à l’ultime transformation de cet idéaliste vers le fascisme.
Informations techniques
Type de film : Biographie cinématographique
Metteur en scène : Kirill Serebrennikov
Distribution : Ben Whishaw, Masha Mashkova, Tomas Arana, Sandrine Bonnaire, Corrado Invernizzi, Viktoria Miroshnichenko, Odin Lund Biron, Louis-Do de Lencquesaing
Coproduction : France/Italie
Durée : 2 heures 18 minutes
Date de sortie : mercredi 27 novembre 2024
Synopsis
Tour à tour militant révolutionnaire, élégant voyou, majordome ou sans-abri, Limonov a été tout cela et plus encore : un poète passionné et querelleur, un agiteur politique, et le narrateur de sa propre légende. Sa vie, telle une longue ballade sulfureuse, le mène des rues tumultueuses de Moscou aux hauts immeubles de New York, des ruelles de Paris aux prisons sibériennes, tout au long de la seconde moitié du XXe siècle.