Six ans après que Zineb Redouane, 80 ans, a été mortellement blessée par une grenade lacrymogène tirée lors d’une manifestation à Marseille, il apparaît qu’un policier anti-émeute a été inculpé d’homicide involontaire.
L’accusation a été déposée par un juge de Lyon le 12 septembre mais n’a été rendue publique que cette semaine suite à un article paru dans un quotidien français. Le Monde.
Le policier est accusé d’avoir lancé la grenade qui a touché Redouane, originaire d’Algérie, alors qu’elle se tenait à la fenêtre de son quatrième étage le 1er décembre 2018.
Yassine Bouzrou, l’avocat des enfants de Redouane, a déclaré que si la famille se sent soulagée par cette évolution, elle est également « en colère et perplexe » face à l’attente de justice qu’elle a endurée.
« Les tribunaux savaient dès le départ qu’ils devaient inculper ce policier, mais ils n’ont pas eu le courage de faire face à la pression qui entoure cette affaire », a déclaré Bouzrou.
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Craintes de collusion
L’affaire a été réaffectée à la circonscription de Lyon en 2019 sur fond d’inquiétudes sur une possible collusion entre le parquet de Marseille et les policiers impliqués.
Grégory Joron, secrétaire général du syndicat national de la police Un1té, a souligné ses inquiétudes quant à la responsabilité, affirmant que la recherche de la responsabilité individuelle soulève des questions sur l’engagement des policiers dans des situations futures similaires.
Le 1er décembre 2018, Redouane se tenait à la fenêtre de son quatrième étage lorsqu’elle a été frappée au visage par un éclat d’obus provenant d’une grenade lacrymogène tirée par les forces de l’ordre qui tentaient de disperser les manifestants en contrebas.
La scène s’est déroulée lors d’une double manifestation associant le mouvement des Gilets jaunes et une marche contre le logement inadéquat à Marseille.
Redouane a succombé à ses blessures le lendemain à l’hôpital.
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Les ONG enquêtent
En 2020, une expertise réalisée lors de l’enquête concluait que le tir du policier avait été correctement exécuté – selon une trajectoire en cloche – et que l’incident était accidentel.
Cependant, une enquête ultérieure menée par les portails d’investigation Disclose et Forensic Architecture a contesté cette hypothèse, suggérant que le coup de feu avait été tiré directement, ce qui est interdit à proximité d’immeubles résidentiels.
Leurs conclusions indiquent que la grenade MP7 a touché Redouane à une distance d’environ 37 mètres, alors qu’elle est généralement destinée à être utilisée à une distance de 100 mètres.
Un rapport de 2021 de l’Inspection générale de la police nationale française (IGPN) révèle que si le coup de feu a été tiré légalement et sans intention de toucher la victime, le policier n’a pas fait preuve de la prudence nécessaire.
L’IGPN a recommandé des mesures disciplinaires à l’encontre du policier et de son supérieur hiérarchique, recommandation que le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a finalement rejetée, invoquant des facteurs tels que « la fatigue », le « manque de visibilité » et la « tension ».
A l’occasion du sixième anniversaire de la mort de Redoune, Bouzrou entend demander la mise en examen du surveillant et faire pression pour que les charges retenues contre le policier accusé soient requalifiées en homicide involontaire pour « violences délibérées ayant entraîné la mort sans intention de la provoquer ».