Le chef du gouvernement et le chef de l’État ne paraissent pas être constamment en accord. En réalité, ni l’un ni l’autre ne peut se permettre de ne pas réussir.
Cinq jours après la désignation du nouveau Premier ministre, des tensions commencent à émerger entre Emmanuel Macron et François Bayrou. Le président semble faire pression sur le tout récent résident de Matignon pour qu’il dévoile rapidement la composition de l’équipe gouvernementale. Les deux dirigeants se sont longuement entretenus à ce sujet à deux reprises le mercredi 17 décembre. D’habitude, Emmanuel Macron prend son temps pour choisir lorsqu’il agit seul, mais cette fois, il n’a pas bien pris une remarque faite par François Bayrou lors de son passage controversé à Pau. Le Premier ministre avait laissé entendre qu’il désignerait son équipe « dans la semaine », à condition « que le Président soit là ». Cela dit, ce dernier est attendu à Bruxelles pour un sommet européen avant de se rendre à Mayotte. Même si ces tensions peuvent paraître anecdotiques face à la crise politique actuelle, elles illustrent bien les relations de pouvoir complexes qui se dessinent dans cette cohabitation atypique que le président n’avait pas désirée.
Jusqu’au dernier moment, Emmanuel Macron avait envisagé de nommer à ce poste Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, ou même Roland Lescure, vice-président de l’Assemblée. Tous deux sont des fidèles qui, politiquement, lui doivent beaucoup et n’auraient peut-être pas résisté à ses décisions. Avec François Bayrou, la situation est tout autre. S’il a réussi à pousser le président à l’accepter à Matignon, c’est parce qu’Emmanuel Macron a une dette envers lui.
François Bayrou affirme son autonomie
À la tête du MoDem, François Bayrou a été un acteur clé dans l’élection d’Emmanuel Macron en retirant sa propre candidature en février 2017 au profit du président actuel. Fraîchement investi, il cultive déjà son indépendance. Le niveau d’impopularité élevé du Président lui recommande de maintenir une certaine réserve. Ainsi, il ne s’est pas plié à la suggestion de réunir les partis de l’arc républicain comme l’a fait Emmanuel Macron. En outre, il propose de revenir sur l’interdiction du cumul des mandats, une idée qui contrarie bon nombre de responsables proches du Président. Les arguments avancés par François Bayrou, qui consistent à relier les élus des territoires à leurs responsabilités, peuvent sonner comme une critique envers les figures du macronisme jugées souvent trop parisiennes, technocratiques et éloignées des réalités locales.
Une rupture rapide en raison de cette cohabitation difficile serait désastreuse pour l’un comme pour l’autre, et surtout pour Emmanuel Macron. En tirant parti des écarts de son nouveau Premier ministre, le Président peut espérer regagner une certaine popularité, par exemple, en jouant la carte de l’unité nationale lors de sa visite à Mayotte. Cependant, son avenir est lié à la stabilité du Premier ministre. Si François Bayrou trébuche rapidement dès les débuts de 2025, faute de parvenir à un « accord de non-censure », Emmanuel Macron pourrait être le suivant à devoir affronter les conséquences.