Mercredi, les parlementaires de la gauche et ceux affiliés au Rassemblement national ont uni leurs voix pour soutenir une motion de censure à l’Assemblée nationale, entraînant ainsi la fin du mandat du gouvernement dirigé par Barnier. Face à cette situation, le président de la République est désormais dans l’urgence de désigner un nouveau Premier ministre, un choix crucial puisque cette personne devra être en mesure de maintenir sa position au moins jusqu’à la période estivale.
Après la chute du gouvernement dirigé par Michel Barnier, survenue le mercredi 4 décembre, la France fait face à l’interrogation : est-elle devenue ingouvernable ? Emmanuel Macron va devoir s’efforcer de prouver le contraire. Il lui incombe donc de désigner un Premier ministre qui puisse se maintenir à Matignon plus longtemps que Michel Barnier, qui a établi un record de courte durée sous la Ve République. Ce nouveau chef de gouvernement devrait idéalement tenir au moins jusqu’à l’été, période à laquelle le Président pourra à nouveau dissoudre l’Assemblée nationale. Avec les départs d’Élisabeth Borne en janvier et de Gabriel Attal en été, le président cherche désormais son quatrième Premier ministre pour l’année 2024, un cas de figure inédit depuis 1946 au début de la IVe République, connue pour sa fragilité ! Cette fois-ci, Emmanuel Macron doit agir rapidement et ne pas perdre deux mois, ce qui pourrait donner du crédit aux aspirations de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui rêvent de le voir démissionner. Chaque jour passé accroît la pression sur l’Élysée.
Alors, une majorité à l’Assemblée sera-t-elle capable de soutenir le prochain Premier ministre ? Le problème reste le même. Aucun des trois grands blocs, à savoir le camp macroniste allié aux Républicains, la gauche, et le Rassemblement National, n’atteint le seuil indispensable de 289 députés pour obtenir une majorité absolue. En théorie, une seule option solide pourrait fonctionner : reproduire le front républicain qui fut victorieux lors des législatives dans l’hémicycle. Cependant, la France Insoumise refuse toute collaboration avec le centre et la droite, et ces derniers repoussent également un rapprochement avec Jean-Luc Mélenchon et ses partisans. Le problème demeure que les chefs des formations de l’« arc républicain » ne semblent pas aussi responsables que leurs électeurs.
Attachés à des enjeux personnels
Le 7 juillet, l’électorat a su dépasser ses fidélités partisane pour faire front contre l’extrême droite, en mettant en avant l’intérêt général. Pourtant, leurs représentants restent attachés à leurs intérêts personnels, en premier lieu la préservation de leurs statuts électoraux. Les socialistes rechignent à prendre leurs distances avec la France Insoumise. Boris Vallaud, chef du groupe PS, a évoqué la nécessité d’un « accord de non-censure » avec le courant centriste et les Républicains, provoquant la colère de Jean-Luc Mélenchon qui parle de trahison, conduisant Olivier Faure à revenir en arrière. Lors d’une entrevue avec le Monde, Faure réclame désormais un Premier ministre de gauche pour mettre en œuvre « les priorités du NFP », tout en cherchant un « compromis ». Il écarte ainsi la candidature de Bernard Cazeneuve et résume sa posture par : « Le NFP au gouvernement et le front républicain à l’Assemblée » afin d’éviter une motion de censure, soit exactement ce qu’il a refusé à Michel Barnier par la censure de ce dernier.
Emmanuel Macron a une autre carte en main : reconduire la fragile alliance entre la droite et les macronistes, en choisissant un Premier ministre à nouveau sous l’influence de Marine Le Pen. Plusieurs noms sont évoqués, tels que Sébastien Lecornu, François Bayrou, et Bruno Retailleau, qui seraient acceptables pour la dirigeante de l’extrême droite. Mais pour combien de temps ? Certains macronistes estiment que pour Marine Le Pen, la censure était une arme qu’elle ne peut pas abuser sans risquer de perdre en crédibilité. Cependant, elle pourrait envisager d’y recourir à nouveau, provoquant ainsi potentiellement une crise politique plus importante, voire une véritable crise de régime.