Une jeune entrepreneur guadeloupéenne met les talents caribéens sur la carte artistique mondiale, avec sa galerie en ligne Maison Gaston.
Christelle Clairville a donné à sa galerie le nom de son arrière-grand-père, ébéniste qu’elle admirait pour son esprit créatif. Aujourd’hui, après seulement trois ans, elle compte 20 artistes sous son aile.
Clairville a pour mission de changer les perceptions de l’art caribéen, souvent perçu comme rien de plus que coloré ou exotique, en invitant les spectateurs à remettre en question les stéréotypes et à repenser les symboles culturels.
« J’ai travaillé pendant 10 ans dans l’écosystème des start-up, et dans chaque entreprise où j’allais, j’entendais les mêmes bêtises sur mon île natale », a-t-elle déclaré à 42mag.fr. « Les gens disaient que nous étions peut-être un peu plus lents, ou qu’étudier aux Antilles serait peut-être plus facile qu’étudier en France métropolitaine. Jusqu’à présent, je ne connaissais pas cette façon de penser et, à un moment donné, j’ai décidé de montrer quelque chose de différent du Caraïbes. »
Elle a été ravie lorsque sa première participation à la foire d’art contemporain annuelle Also Known as Africa (AKAA) à Paris en octobre a coïncidé avec le thème de cette année, l’art caribéen et ses liens avec la diaspora africaine.
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Connexions caribéennes
« J’ai créé la Maison Gaston comme une maison d’art créole et j’ai bien l’intention de trouver des artistes ayant un lien avec les Caraïbes, qu’ils y aient vécu ou y aient vécu ou qu’ils y aient des racines. »
Elle représente aujourd’hui une vingtaine d’artistes et designers qui, chacun à leur manière, « interrogent le rapport au monde des insulaires, et qui explorent les interactions raciales héritées de l’Histoire ».
Clairville a choisi de présenter deux artistes en particulier à l’AKAA : la sculptrice Florence Gossec, qui partage un lien familial avec la Guadeloupe, et le peintre martiniquais Alain Joséphine.
Le thème de la « végétation luxuriante » lie les artistes, les fleurs campagnardes de Gossec rendues en laiton délicat côtoyant les pièces abstraites lumineuses et aériennes de Joséphine.

« Plateforme de découverte »
Le travail de Gossec a attiré l’attention de Clairville il y a trois ans à Orléans, au sud de Paris, où l’artiste a son atelier. Bien que son père soit originaire de Guadeloupe, Gossec n’y est allée que deux fois dans sa vie.
Même si l’artiste dit qu’elle n’est pas visiblement influencée par son héritage, Clairville ressent le contraire. Elle voit dans l’œuvre de Gossec « une résonance, un écho des Antilles », un lien profond avec la nature, qui constitue selon elle l’une des forces de l’art créole.
Le concept de la Maison Gaston est peut-être né en Guadeloupe, mais le projet vise la diaspora caribéenne du monde entier grâce à son fonctionnement en ligne. Sans espace de galerie fixe, Clairville se déplace d’un endroit à l’autre pour promouvoir les œuvres.
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Construire des ponts
Pour Victoria Mann, fondatrice d’AKAA, il était important de sortir « la notion de géographie de l’équation » et de se concentrer sur la création d’« une plateforme de découverte ».
Plutôt que d’inclure des artistes parce qu’ils sont originaires d’un certain pays, l’AKAA vise à faire ressortir les liens revendiqués par chaque artiste avec le continent africain à travers leur pratique, que ce soit via l’histoire, le patrimoine, la mémoire ou la lignée, a expliqué Mann.
« C’est ce que nous aimons dans le fait que le public vienne une fois par an dans cet espace, pour montrer des choses qu’il n’a jamais vues auparavant. La scène artistique des Caraïbes est méconnue, même l’art des territoires français est méconnu, donc pour nous, c’était une belle opportunité », a-t-elle ajouté.
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Pour Clairville, l’art et la beauté sont des outils puissants permettant de susciter l’intérêt des gens pour la région des Caraïbes.
« Pour moi, l’art est un moyen de construire des ponts entre deux personnes. C’est un moyen de créer de la compassion et de la compréhension, car lorsqu’ils seront émus par l’œuvre, ils verront alors l’artiste et les îles différemment. »