Alors que le gouvernement travaille à la conception du budget de 2025, ces figures de proue de la droite plaident pour l’élimination de l’Agence de la transition écologique. Ils remettent en question à la fois son efficacité et son coût. Pourtant, les fonctions que cette agence accomplit, en particulier au bénéfice des collectivités locales, existent bel et bien.
« Depuis deux semaines, l’Ademe est la cible. » C’est ce qu’a exprimé Marc Fesneau, le chef de file des députés MoDem, lors d’une intervention sur France Inter le mercredi 15 janvier. Dans un contexte où les responsables politiques cherchent à réduire les dépenses publiques, la droite a tourné son attention vers l’Agence de la transition écologique. Le mardi précédent, Laurent Wauquiez, le président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale, a inclus l’Ademe dans une énumération d’agences qu’il considère comme ayant une « utilité contestable » et un « coût conséquent ». « Ces structures, en plus de leur coût élevé, sont souvent responsables de normes qui pèsent sur notre pays et retirent aux décideurs politiques leur autonomie », a-t-il argumenté en réaction à la déclaration générale de François Bayrou, le Premier ministre.
Le président du Sénat, Gérard Larcher des Républicains, avait déjà pointé du doigt l’Ademe, mentionnant son budget de « plus de 4 milliards » et ses « environ 1 100 équivalents temps plein », alors qu’il appelait à « des mesures concrètes » pour réduire les dépenses de l’État, « surtout en ce qui concerne les agences de l’État et la simplification », lors d’une interview parue samedi dans Le Parisien. Valérie Pécresse, qui préside la région Île-de-France, a critiqué le lundi suivant sur France Inter en disant : « Le problème est que presque tous les projets soutenus par l’Ademe le sont aussi par la Banque des territoires et les régions », exprimant ainsi son souhait de voir l’agence disparaître et ses fonds redistribués aux régions.
Ces prises de position rappellent une proposition de loi déposée en octobre par le Rassemblement national, qui envisageait « à terme, de rapatrier les missions de l’Ademe au sein de l’administration centrale et de dissoudre cette agence ».
« L’investissement vert est le plus pertinent »
Face à ces critiques, Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, a réagi vivement, qualifiant ces attaques de « simples ». « S’en prendre à des agents publics mettant un point d’honneur à servir l’intérêt général est inacceptable », a-t-elle décrié sur les réseaux sociaux. Cette réaction fait écho au ressenti des employés de l’Ademe : « Chacun ici est fortement engagé ! Ces attaques sont éprouvantes. Cela donne l’impression que notre travail est superfétatoire », a indiqué une représentante du Syndicat national de l’environnement (SNE) auprès de 42mag.fr.
Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat, a commenté sur LinkedIn en insistant sur le fait qu’« Nous avons plus que jamais besoin de l’Ademe, surtout dans ce climat financier tendu. L’investissement écologique est le plus judicieux », soutenant le rapport du Giec selon lequel « les coûts de l’action sont moindres que ceux de l’inaction », ajoutant que « supprimer l’Ademe reviendrait à compromettre la transition vers une économie décarbonée et adaptable aux changements climatiques ».
L’Ademe contribue à des efforts cruciaux tels que la décarbonation industrielle, l’essor des énergies renouvelables, la promotion de la mobilité sans carbone, le recyclage et la rénovation des constructions. Récemment, l’État a mis en place un cadre d’aide pour accélérer la décarbonation industrielle, géré par l’Ademe.
« Aucun chevauchement »
« Nous fournissons des instruments, des expertises, notamment grâce à nos 150 chercheurs et 500 ingénieurs, en adoptant une approche scientifique pour orchestrer la transition », précise Sylvain Waserman, PDG de l’Ademe, à 42mag.fr. Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) d’avril 2023 confirme cette expertise environnementale en soulignant que « l’agence est reconnue pour son savoir-faire et la technicité de ses équipes, ce qui est crucial pour éviter les erreurs dans le domaine éminemment technique de la transition écologique ».
Waserman vante aussi la synergie entre les experts nationaux « qui conçoivent les méthodologies » et ceux au niveau régional « qui les appliquent localement ». La représentante du personnel SNE répond aux critiques de Valérie Pécresse en arguant que « Pour l’analyse technique, les autres partenaires dépendent fréquemment de l’Ademe. Nous n’avons jamais de doublons ». Et précise que « Il est faux de croire que les projets sont systématiquement financés par les régions ou la Banque des territoires ; c’est un mensonge ».
Répartir les agents de l’Ademe parmi d’autres institutions administratives, comme le préconise la présidente de la région Île-de-France pour faire des économies, « ne pourrait pas être réalisé aussi aisément que suggéré », précise une source syndicale de la CFDT Ademe sur 42mag.fr. « D’ailleurs, l’Ademe se compose à 98 % de salariés sous contrat privé et seulement 2 % de fonctionnaires ».
Un budget principalement destiné « directement aux territoires »
Quand Gérard Larcher évoque les quatre milliards, il fait référence correctement au budget prévisionnel établi à 4,2 milliards pour 2024. Cependant, Nicolas Goldberg, expert énergétique chez Colombus Consulting, déclare sur X que « Non, l’Ademe ne ‘dépense pas 4 milliards d’euros' ». Sur le budget réel de 2024, qui était de 3,4 milliards selon Sylvain Waserman, « 92 % sont directement réinjectés sur le terrain et 8 % concernent les frais de fonctionnement, incluant les salaires, les loyers ou encore les recherches ».
Ce budget est en majeure partie constitué de subventions versées à d’autres partenaires, tel que le fonds chaleur de 800 millions d’euros qui favorise la production locale d’énergie renouvelable par les collectivités et les entreprises. Par ailleurs, le financement de « 1,7 milliard d’euros » du plan France 2030, que l’Ademe gère en instruisant les dossiers et en contractualisant, est finalement régi par l’État, souligne Waserman.
« On pourrait penser que ces 3,4 milliards représentent ce que l’Ademe dépense. Ce n’est pas correct. Aujourd’hui, les entreprises n’ont jamais tant eu besoin de l’État pour leur transition décarbonée. C’est pareil pour les territoires. »
Sylvain Waserman, PDG de l’Ademeà 42mag.fr
Le dirigeant de l’Ademe reconnaît que l’accent soit mis sur son organisme. « Jamais l’effort étatique pour la transition écologique n’a été aussi significatif. Le budget de l’Ademe, il y a quelques années, était d’un milliard. Il est compréhensible que cela attire l’attention dans un contexte de rareté des finances publiques ».
Sur LinkedIn, Sylvain Waserman précise que l’Ademe a déjà mis en œuvre un effort de réduction budgétaire conséquent, réduisant de 38 % ses fonds propres, pour un total de « -210 millions d’euros ». Des audits ont été conduits sur les finances de l’agence. « En avril 2024, nous avons subi quatre mois d’audit de l’Inspection générale des finances, concluant à une bonne gestion de l’Ademe. L’IGF a même recommandé d’augmenter les effectifs », se félicite-t-il. Un précédent rapport de l’IGF recommandait également de vouloir faire de l’Ademe le principal interlocuteur pour les aides à la transition écologique des entreprises, à rebours des critiques actuelles. Ces critiques, en fond, s’attaquent à l’objectif global de transition écologique, estime la représentante du personnel SNE : « Doit-on poursuivre le financement de la transition ? C’est, semble-t-il, la véritable question ici. »