Thierry Fiorile et Matteu Maestracci discutent de deux longs métrages qui ont été dévoilés cette semaine : « La Chambre d’à côté », réalisé par Pedro Almodovar, et « Hiver à Sokcho », mis en scène par Koya Kamura.
Nos critiques cinéma ont sélectionné deux œuvres cinématographiques marquantes cette semaine.
L’espace voisin de Pedro Almodovar
L’espace voisin marque la première incursion de Pedro Almodovar dans un film en langue étrangère après avoir réalisé deux courts métrages. Ce projet semble être un exercice de pratique pour le réalisateur espagnol renommé. Almodovar est bien connu pour avoir collaboré avec de nombreuses actrices depuis des années, et ici, Tilda Swinton et Julianne Moore rejoignent avec éclat le cercle exclusif des chicas inscrites dans l’univers almodovarien.
Dans la ville animée de New York, Martha (interprétée par Tilda Swinton), une correspondante de guerre, est confrontée à un diagnostic de cancer incurable. Elle se procure un poison pour mettre fin à sa vie et sollicite la compagnie d’une vieille amie, Ingrid (incarnée par Julianne Moore) – une écrivaine reconnue – pour l’accompagner durant ses derniers instants. Dans le cadre magnifique d’une maison de campagne, ce voyage vers la fin est emprunt d’émotions et délicatement peint des nuances vives chères à Almodovar. Leur amitié offre le seul soutien possible dans cette épreuve difficile.
Certaines caractéristiques de ce film étonneront sûrement les adeptes du réalisateur. En effet, l’œuvre se distingue par un ton quasi austère, un contraste frappant avec les femmes exubérantes typiques de l’univers d’Almodovar. Ce choix stylistique judicieux permet d’éviter de tomber dans le piège du mélodrame excessif quant au sujet traité. Julianne Moore et Tilda Swinton brillent par leur interprétation, décryptant ensemble avec Almodovar la dignité de choisir sa propre fin de vie. Almodovar, à l’instar de François Truffaut, croit fermement que le cinéma doit être une forme embellie de la réalité, et ici, son style visuel distinctif est résolument saturé, offrant une expérience réconfortante aux spectateurs familiers de son travail.
Un hiver à Sokcho par Koya Kamura
Cette œuvre explore les thèmes du déchirement culturel, de l’éloignement physique et de l’identité multiculturelle. Yan Kerrand, un personnage interprété par le toujours discret mais impressionnant Roschdy Zem, est un auteur de bandes dessinées français explorant Sokcho, une station balnéaire en Corée du Sud, sous un manteau de neige. Il croise le chemin de Soo-Ha, une jeune femme de 23 ans tiraillée entre un petit ami et sa mère poissonnière. Deux personnages aux antipodes qui, par l’alchimie subtile du cinéma, apprennent à se connaître et à se comprendre, mettant en lumière la complexité des identités culturelles ; Soo-Ha, parlant français, tente de se reconstruire après l’abandon paternel.
Un hiver à Sokcho révèle une douceur innée et un aspect personnel qui trouvent leur source dans les vécus respectifs de l’auteur et de son interprète. À cela s’ajoute un phénomène universel dans le message que ce film délivre. Les images sont délicates et élégantes, tout autant que les acteurs. Un bémol toutefois réside dans le rythme du film, parfois lent au point d’être trop contemplatif. Néanmoins, quelques dialogues flirtant avec le développement personnel ne devraient pas ternir l’appréciation et l’expérience de ce film globalement très enrichissant.