Dans un cadre kenyan, la cinéaste aborde un thème hautement sensible. Son approche repose sur un scénario habilement structuré, une réalisation visuelle impeccable, et une distribution d’acteurs remarquable.
Une nouvelle vie pour Geoffrey
Après avoir passé 35 ans derrière les barreaux, Geoffrey, remis en liberté, est confié par son oncle à un prêtre catholique digne de confiance dans la région du Kenya où il a grandi avec sa grand-mère. Le premier film de la réalisatrice kényane Angela Wanjiku Wamai, intitulé "Shimoni", qui sort en salles le 22 janvier, débute comme le récit classique d’une quête de rédemption.
Cependant, à mesure que l’histoire se met en place, il s’avère que le chemin de Geoffrey est bien plus complexe que prévu.
Lorsqu’il croise le robuste Weru, le jeune homme panique, incapable de lui serrer la main. Cette rencontre l’angoisse au point qu’il ne s’aperçoit pas immédiatement qu’il s’est uriné dessus. La honte qui l’envahit par la suite lui coûte une des vaches qu’il doit traire depuis qu’il est à Shimoni, où il travaille désormais comme ouvrier agricole et menuisier. À Nairobi, où son père est mourant, l’ancien professeur d’anglais qu’il était n’est plus accepté, devenu indésirable.
Double châtiment
À Shimoni, dont le nom se traduit par "la fosse", Geoffrey semble être enfermé dans une nouvelle prison, décidée par sa famille après le délit qu’il a commis. Pour lui, c’est une double épreuve, car ce lieu est aussi celui où il fut victime d’un crime durant son enfance. Des indices parsemés ici et là suggèrent qu’il s’agit d’une agression à caractère sexuel. Selon des statistiques de l’Unicef publiées en 2024, "410 à 530 millions de garçons et hommes (environ 1 sur 7) ont enduré des violences sexuelles durant leur enfance, et parmi eux, 240 à 310 millions (environ 1 sur 11) ont été violés ou agressés sexuellement". "Shimoni" raconte l’histoire d’un de ces hommes, Geoffrey, qui bien que devenu un criminel mal-aimé par les siens, mérite, au-delà des apparences, de la compassion.
Angela Wanjiku Wamai, auteure du film, l’a également édité et en a rédigé le scénario. Ces responsabilités multiples ont permis à la réalisatrice de guider le spectateur à travers les émotions et les traumatismes qui tourmentent profondément son personnage principal. Geoffrey, dont elle filme fréquemment la nuque et la tête rasée, est un mystère incarné avec une forte présence par l’acteur Justin Mirichii.
Questions profondes
Est-il possible de se reconstruire après l’expérience d’un abus sexuel? Comment y parvenir lorsqu’on est un homme, sujet déjà peu abordé publiquement ? Peut-on surmonter la douleur et les traumatismes ? Peut-on interrompre le cycle incessant de la violence ? Peut-on parvenir à se pardonner ? "Shimoni" aborde toutes ces questions avec finesse et sobriété. Sa réalisation ainsi que sa photographie reflètent la droiture du personnage de Geoffrey, en combat constant avec une douleur indescriptible d’origines diverses. Ce film dresse le portrait non seulement d’un homme tourmenté, mais aussi enfermé dans le silence.
Il offre également un regard critique sur la manière dont une communauté soutient la réinsertion sociale ou est prête à écouter les victimes de crimes aussi terribles que les abus sexuels. Angela Wanjiku Wamai a rassemblé un casting impressionnant de comédiens qui, dans des seconds rôles, ajoutent de la profondeur au drame qu’elle dépeint. "Shimoni" est un film à découvrir pour son ton pénétrant et sa beauté empreinte de gravité.
Fiche technique
Genre : Drame
Réalisatrice : Angela Wanjiku Wamai
Distribution : Justin Mirichii, Sam Pesenjen, Muthoni Gathecha, Vivian Wambui, Daniel Njoroge
Pays : Kenya
Durée : 1h37
Sortie : 22 janvier 2025
Distributeur : Sudu Connexion
Synopsis : Après sept ans d’emprisonnement, Geoffrey, âgé de 35 ans, tente de reprendre le cours de sa vie à Shimoni, où il vit caché dans une église catholique de la localité. Un jour, au sortir de la messe, Geoffrey est confronté à un souvenir douloureux, alors que le "monstre" de son passé refait surface.