Pour réaliser une économie de 3 milliards d’euros, le Premier ministre envisage une solution précise. Le 14 janvier, François Bayrou a posé une question aux députés : « Avons-nous vraiment besoin de plus de 1000 agences, institutions ou opérateurs pour mener l’action publique ? » On peut se demander quelles sont ces 1 000 entités. Est-il réellement simple de faire des coupes budgétaires sans conséquence ?
Depuis longtemps en France, la multiplication des commissions et comités fait jaser. Déjà, en 1963, le général de Gaulle se moquait de cette tendance dans un contexte économique et social difficile, en disant : « Ce qui compte, ce n’est pas l’avis du comité Gustave, du comité Théodule ou du comité Hippolyte, mais ce qui est bénéfique pour le peuple français« .
S’attaquer au problème : une promesse sous-entendue
Dans la course à la réduction du nombre de ces comités, le Sénat a pris les devants. Par le biais d’une proposition législative, Nathalie Goulet, sénatrice (Union Centriste) de l’Orne, milite pour l’élimination d’une trentaine de ces groupes consultatifs. Elle cite par exemple la commission de la rémunération équitable, qui, sous l’égide du Ministère de la Culture, défend les droits des artistes et producteurs.
Un de ses membres, à qui l’on a appris cette nouvelle, fut déconcerté : « Je suis abasourdi, je n’étais pas du tout informé« . Jérôme Roger, en revanche, insiste sur le fait que : « Cette commission n’engage aucun frais, son budget est inexistant. Elle ne coûte rien.«
Pourtant, le problème réside dans le fait qu’une absence de réunion d’un an suffit pour considérer ces entités comme dormantes. D’après les documents que nous avons examinés, la commission de la rémunération équitable ne s’est pas rassemblée depuis 2021. Jérôme Roger la défend ainsi : « Elle ne s’est pas réunie parce qu’il n’y avait pas de sujets urgents, cela ne remet pas en cause sa validité. Certains sénateurs ne comprennent pas le fonctionnement« .
L’objectif n’est pas de décapiter mais bien de revoir les structures inutiles.
Nathalie Goulet, sénatrice Union centriste de l’OrneA L’Œil du 20H
Contacté, le Ministère de la Culture s’oppose à cette décision, mais Nathalie Goulet continue d’affirmer : « Nous ne sommes pas là pour trancher des têtes. Ce n’est pas Robespierre. Mais il y a des structures qui n’apportent rien. Elles ne sont pas nécessairement coûteuses, mais leur utilité est discutable« .
En vérité, le nombre de comités consultatifs a diminué au cours des dernières années, malgré un léger rebond en 2024. Cependant, les économies réalisées semblent insignifiantes : le budget global de ces 317 comités ne dépasse pas les 30 millions d’euros.
Le enjeu majeur concerne les grandes agences publiques. Viser ces entités révèle une volonté gouvernementale de supprimer, fusionner ou rationaliser leurs coûts. Près de 700 organisations, dont les dépenses pèsent lourdement sur les finances publiques, atteignant 100 milliards d’euros.
L’Agence BIO, première cible des restrictions budgétaires ?
Comptant 23 salariés de droit privé et un budget de 2,9 millions d’euros, l’Agence Bio, chargée de promouvoir l’agriculture bio, pourrait être supprimée suite à un amendement adopté lors de l’examen du budget agricole. Son vice-président s’indigne : « Un rapport de la Cour des comptes suggérait de doubler ses effectifs et de tripler son financement en raison de son efficacité. Et maintenant, un amendement véhicule l’idée inverse. Nous sommes déconcertés. »
Nous avons appris que les petites économies peuvent mener à de grands bienfaits.
Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-LoireA L’Œil du 20H
À l’origine de ce démantèlement figure le sénateur LR Laurent Duplomb, agriculteur et ancien président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire. Expliquant ne pas voir l’utilité d’une agence exclusivement dédiée à l’agriculture bio, il ajoute : « En tant que petit agriculteur de Haute-Loire, j’ai toujours appris que les petites économies peuvent engendrer de grandes rivières. Ne devrions-nous pas nous pencher sur les agences en doublon avec d’autres organisations capables d’accomplir ces missions ?«
Le Sénat décide d’arrêter les financements du Haut-Commissariat au Plan
Une autre structure étatique, lancée en 2020, est sous la loupe des sénateurs : le Haut-commissariat au Plan, dirigé par François Bayrou et doté d’un budget de 1,9 million d’euros.
Cependant, après quatre années de ce qu’on qualifie de “navigation sans cap”, le Haut-commissariat au Plan n’aura que peu contribué aux politiques publiques, selon un rapport de contrôle budgétaire dévoilé par le sénateur Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la commission des finances.
Ce mercredi 22 janvier, les sénateurs se sont prononcés pour sa suppression. Ils recommandent d’allouer ses crédits à France Stratégie, une entité sous la responsabilité du Premier ministre.
Cette proposition sera-t-elle approuvée par le Premier ministre ? Sollicité, Matignon indique que le gouvernement ne soutiendra pas cet amendement.
PARMI NOS SOURCES :
Une note de la Fondation IFRAP du 13 février 2024 souligne que la suppression de 36 comités Théodule ne suffira pas complètement à endiguer le gaspillage.
La « Proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions Théodule dont l’utilité ne semble pas avérée » a été rapportée au Sénat le 15 janvier 2025 sous le numéro 239 (2024-2025).
Le rapport d’information n° 764 (2023-2024), déposé le 18 septembre 2024 au Sénat, décrivait le Haut-commissariat au Plan comme naviguant sans boussole.