Les photographies obsédantes de l’apartheid d’Ernest Cole ont choqué le monde et pourtant sa propre vie s’est terminée dans l’obscurité. Aujourd’hui, le cinéaste Raoul Peck, nominé aux Oscars, a porté l’histoire de Cole à l’écran dans Ernest Cole : Objets perdus et retrouvés. S’adressant à 42mag.fr, Peck revient sur le travail révolutionnaire de Cole et sur l’exil qui l’a déchiré.
« Je me souviens des premières photos. C’était il y a longtemps à Berlin, quand j’étudiais », a déclaré à 42mag.fr le réalisateur haïtien Raoul Peck.
« La lutte contre l’apartheid commençait et les photos d’Ernest Cole circulaient beaucoup car c’était la première fois qu’on découvrait les horreurs de l’apartheid à l’échelle humaine, du point de vue des hommes et des femmes. »
Né en 1940, Cole a fui l’Afrique du Sud en 1966 pour échapper au régime de l’apartheid. Il a vécu en exil aux États-Unis, où il a capturé des images saisissantes de la vie à New York et dans le sud des États-Unis.
Son œuvre phare, Maison de la servitude – interdit en Afrique du Sud – a exposé les réalités brutales de l’apartheid et a valu à Cole une renommée internationale à seulement 27 ans.
« Il était vu, perçu comme un photographe noir, alors qu’il voulait être un photographe comme l’une de ses idoles, Cartier-Bresson », explique Peck.
« L’ambition d’Ernest Cole était aussi de photographier, comme il le dit, ‘la condition humaine’. »
Le film de Peck raconte également l’errance de Cole après son exil en 1966.
« C’est un homme en colère, mais c’est aussi un homme, comme beaucoup d’hommes et de femmes que j’ai connus en exil, perturbés, déchirés et brisés par l’éloignement de leur pays, qui souffrent souvent. Donc, il est aussi isolé dans cette société », dit Peck.
Les dernières années de Cole ont été marquées par les difficultés et l’obscurité, mais son histoire a pris une tournure surprenante en 2017 lorsque 60 000 de ses négatifs et photographies ont été découverts dans une banque de Stockholm.
La collection, qui comprend des milliers d’images prises aux États-Unis, a longtemps été considérée comme perdue. Le mystère de l’identité de l’auteur des photos reste entier.
Ernest Cole : Objets perdus et retrouvés est sorti en France le 25 décembre 2024.