Tout au long de son parcours professionnel, le créateur du Front national, décédé ce mardi à 96 ans, a souvent tenu des propos révisionnistes, racistes et homophobes sans ambiguïté. Ces déclarations ont suscité de nombreuses controverses, jusqu’à ce que sa fille, Marine, amorce dans les années 2010 un processus visant à donner une image moins radicale du parti.
« Un Front national trop doux n’attire personne », déclarait-il en 2017 dans Le Point. Décédé mardi 7 janvier à l’âge de 96 ans, Jean-Marie Le Pen a tout au long de sa carrière politique fait preuve d’une rhétorique provocante. Ses prises de position lui ont valu de nombreuses condamnations, notamment pour négationnisme. À l’occasion de la disparition de l’ex-dirigeant du FN, France 2 s’est intéressée à cet aspect du chef de file de l’extrême droite.
En 1958, alors qu’il était un jeune député, Jean-Marie Le Pen s’était adressé à l’ex-Premier ministre Pierre Mendès France en déclarant : « Vous concentrez sur votre personne diverses aversions patriotiques et presque physiques ». Toutefois, même après avoir fondé le parti à la flamme en 1972, l’influence de ses propos restait limitée, tout comme les résultats du Front national. La situation change dans les années 1980, lorsque le FN connaît une montée électorale, notamment aux législatives de 1986, où 35 députés sont élus grâce à l’instauration temporaire de la proportionnelle.
Les chambres à gaz, un « détail de l’histoire » selon lui
En septembre 1987, sa vision sur la Shoah soulève un tollé. « Je me pose des questions et je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé, mais je crois que c’est un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », déclare-t-il sur RTL. Il réitérera cette affirmation plusieurs fois par la suite.
Quelques mois plus tard, il provoque de nouveau l’indignation en s’en prenant à Michel Durafour, alors ministre de la Fonction publique. « Monsieur Durafour crématoire » prononce-t-il lors d’un meeting en septembre 1988, un jeu de mots malvenu qui lui coûte son immunité parlementaire et une amende de 10 000 francs pour injure publique. En 1998, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, alors n°2 du FN, sont condamnés à verser des dommages-intérêts à l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), pour des propos sur « l’inégalité des races » tenus en 1996 et 1997.
L’Occupation allemande perçue comme « non inhumaine »
Lorsqu’il accède au second tour de la présidentielle face à Jacques Chirac au printemps 2002, ses propos restent aussi provocants. En 2005, il affirme au magazine d’extrême droite Rivarol que l’occupation allemande n’était pas « particulièrement inhumaine ». « Qu’est-ce qui est scandaleux là-dedans ? », demande-t-il à France Télévisions. Il est de nouveau condamné pour négationnisme, écopant de trois mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende en 2012 en appel.
En 2008, lors d’une interview au magazine Bretons, dont il n’a pas autorisé la publication, il réitère : « Mais ça, c’est parce que vous y croyez. Je ne suis pas obligé d’adhérer à cette vue. Je note qu’à Auschwitz, il y avait une usine IG Farben, avec 80 000 ouvriers. À ma connaissance, ceux-là n’ont pas été gazés ou brûlés. »
Plus tard, alors qu’il n’a plus de mandat exécutif au FN, Jean-Marie Le Pen crée un nouveau tollé en 2014 avec une déclaration sur des artistes opposés au FN, en particulier Patrick Bruel, d’origine juive : « Ça ne m’étonne pas… On en fera une fournée la prochaine fois ». Bien qu’accusé de provocation à la haine raciale, il est relaxé en appel en décembre 2022.
Durant toute son existence, Jean-Marie Le Pen s’est attaqué à de nombreuses communautés stigmatisées, comme les Roms ou les musulmans. Par exemple, il est condamné en appel à 10 000 euros d’amende pour incitation à la haine raciale en 2005. Dans Le Monde, en 2003, il évoque l’hypothèse d’une France avec 25 millions de musulmans affirmant : « Ils prendront le pouvoir et les Français devront éviter les regards et raser les murs ». En 2014, il paye une amende de 5 000 euros pour avoir, en 2012, qualifié les Roms de « voleurs naturels ».
Son homophobie sans complexe
Jean-Marie Le Pen s’est aussi attaqué aux homosexuels, particulièrement lors de la crise du sida dans les années 1980 avec des remarques homophobes. « Je pense que les personnes atteintes du sida, j’emploie ce terme, qui n’est pas joli, mais je n’en connais pas d’autre… sont comme des lépreux », déclare-t-il, en insinuant que ces personnes seraient contagieuses « par la sueur, les larmes et la salive ». Pour lui, l’orientation sexuelle devenait une insulte, comme lors d’une altercation avec un opposant à Mantes-la-Jolie en 1997. « Tu vas voir le rouquin là-bas ! Hein, p… »
Même après qu’il ait quitté la présidence du FN au début des années 2010, il continue ses provocations, cette fois contre Florian Philippot, ancien numéro 2 du FN, souvent ridiculisé pour son homosexualité. Il s’en prend aussi aux LGBT+, parlant de la « mafia hétérophobe » au sein du parti.
Fidèle des tribunaux, où il poursuivait ceux qui l’associaient aux nazis, Jean-Marie Le Pen n’a jamais renié ses propos. En 2015, il réaffirmait que les chambres à gaz étaient « un détail de l’histoire ». Pour Marine Le Pen, sa fille et successeur à la tête du FN, cette phrase était la goutte d’eau qui fait déborder le vase, entraînant en 2015 l’exclusion de son propre père du parti qu’il avait fondé.