Dans cet épisode numéro cinq, Mathilde Lemaire examine de près les nombreuses questions non résolues qui subsistent malgré les confessions partielles de Dominique Pelicot et son affirmation de « transparence totale ». Parmi ces zones d’incertitude, on compte le véritable nombre d’agresseurs sexuels impliqués, les allégations de viol concernant sa fille Caroline, ainsi que les soupçons d’incestes touchant ses petits-enfants.
Dans l’affaire des agressions sexuelles survenues à Mazan, un total de 51 individus ont comparu devant la justice. Cependant, le nombre d’hommes que Dominique Pelicot avait conviés et qui ont abusé de son épouse dépasse largement ce chiffre. Les investigations menées par la police judiciaire, minutieusement menées à travers l’analyse des dispositifs numériques de Dominique Pelicot, en ont révélé davantage. « Les enquêteurs ont recensé 72 hommes impliqués, que ce soit via leurs échanges sur la plateforme Skype ou visibles dans les enregistrements vidéos« , affirme Mathilde Lemaire, journaliste spécialisée en affaires policières et judiciaires pour 42mag.fr, et par ailleurs productrice d’un podcast sur ce sujet. Cependant, certains de ces individus « n’ont pas pu être formellement identifiés et circulent toujours librement« .
L’enquête, qui s’est prolongée sur trois années complètes, laisse encore des zones d’ombre. « Les stratégies d’enquête de la police présentent certaines failles. » La magistrate en charge de l’affaire a admis que dans ce dossier précis « nous aurions pu enquêter pendant une décennie. » Les découvertes de l’enquête ont également mis en lumière que Dominique Pelicot était en contact avec d’autres hommes ayant recours à des substances pour droguer leurs épouses afin de les agresser. Des enquêtes ont été ouvertes dans plusieurs régions du pays en conséquence.
Des actes de violence sexuelle et de l’inceste
Dominique Pelicot aurait confessé à un de ses complices qu’il arrivait d’exposer son épouse à des agressions par des routiers dans des stations-service, rapporte Mathilde Lemaire. Des clichés de Gisèle Pelicot, nue, sous l’emprise de substances, et agressée, ont été découverts. Dominique Pelicot prétend que cela n’est arrivé qu’une seule fois et que c’était un de ses fantasmes. « Dominique Pelicot n’admet les faits qu’en présence de preuves accablantes« , commente Mathilde Lemaire, laissant ces évènements sans explication satisfaisante.
L’affaire a aussi mis en avant la situation de Caroline Darian, la fille de Pelicot, souvent qualifiée de « grande oubliée » car aucun test ADN n’a été mené. Des images compromettantes d’elle ont été trouvées, et elle est convaincue d’avoir souffert des actes de son père, « bien qu’aucune preuve concrète n’ait été apportée« , souligne Mathilde Lemaire, tout en expliquant que Dominique Pelicot a « beaucoup hésité lorsque la cour l’a questionné sur la photographie de sa fille ».
Des allégations d’inceste concernant ses petits-enfants ont émergé, même si elles n’ont pas été abordées durant le procès. Une tante aurait entendu Dominique Pelicot demander à son petit-fils s’il voulait « jouer au docteur » avec lui, et deux de ses petites-filles ont rapporté qu’il leur aurait demandé de « soulever leurs jupes ». Dominique Pelicot a réfuté ces accusations, mais des plaintes ont été enregistrées et c’est au procureur de la République de statuer sur la suite à donner.
Un passé criminel révélé
L’affaire Mazan a aussi permis de mettre en lumière certains éléments du passé de Dominique Pelicot. En 2020, il avait été appréhendé pour avoir filmé sous les jupes des clientes dans un magasin. En 2010, il avait déjà été impliqué dans des actions similaires. Son ADN, prélevé à l’époque, a été relié à une tentative d’agression sexuelle remontant à 1999, précise Mathilde Lemaire.
Il est également accusé dans une enquête portant sur un meurtre non résolu en 1991, dû aux similitudes de sa méthode opératoire.
Concernant les agressions sur sa femme, Dominique Pelicot a décidé de ne pas contester sa condamnation à 20 années de prison, signifiant qu’il ne sera pas rejugé, mais il pourrait être entendu en qualité de témoin lors des appels des autres inculpés.
« Mazan, un procès pour l’Histoire », est un podcast produit par 42mag.fr, mené par Mathilde Lemaire, avec la contribution de Pauline Pennanec’h, et réalisé par Marie Plaçais. Prises de son assurées par Jordan Fuentes et Sélim Gheribi. Mixage effectué par Raphaël Rasson. Ce podcast est disponible sur le site de 42mag.fr, l’application Radio France, et plusieurs plateformes telles qu’Apple Podcasts, Podcast Addict, Spotify, et Deezer.