Ce samedi 18 janvier marque l’annonce des résultats du festival international du cinéma comique de l’Alpe d’Huez. C’est une opportunité idéale pour réfléchir, avec le sociologue Jean Viard, à l’importance et au rôle que joue l’humour dans notre vie sociale actuelle.
Le festival international du film de comédie à l’Alpe d’Huez prend fin ce samedi 18 janvier. Cet événement permet chaque année de présenter les nouvelles comédies qui vont prochainement être projetées dans nos cinémas. Le récent succès du film Un p’tit truc en plus en 2024, ainsi que la popularité de En fanfare ces dernières semaines, démontrent que le cinéma comique français se porte bien. Les spectateurs sont à la recherche de moments de détente et d’évasion.
42mag.fr : Quelle est la place de l’humour dans notre société aujourd’hui ?
Jean Viard : Il suffit d’écouter la radio pour s’en rendre compte : les humoristes occupent une place omniprésente. On voit également un grand nombre de spectacles de stand-up. Le triomphe du film Un p’tit truc en plus est extraordinaire, car on craint souvent de plaisanter sur la différence. Prenons l’exemple de l’humour juif. Entre eux, les Juifs peuvent plaisanter sur certains sujets parce que cela permet de prendre du recul par rapport aux drames, mais si l’on n’appartient pas à cette communauté, ces plaisanteries ne sont pas partagées de la même manière. Le rire a la capacité d’unir tout autant que de diviser. Actuellement, il est omniprésent dans notre société, car c’est une manière d’atténuer la gravité de la mort et des événements tragiques. Il est important de distinguer les différents types de rire. Nous avons le rire instinctif, comme quand on est chatouillé. Ensuite, il y a le rire culturel, fondé sur des références communes.
Le rire peut favoriser la cohésion sociale, mais peut également provoquer des divisions ou des exclusions. Il ne faudrait pas cibler les plus vulnérables dans nos plaisanteries. On ne peut pas se moquer d’une personne handicapée ou de quelqu’un ayant des difficultés à marcher en raison de son poids sans entrer dans une dynamique de violence extrême.
Le rire peut-il être un moyen de sortir du désespoir ou de mener la lutte ?
Absolument ! Prenons l’exemple de ce qui s’est produit à l’Assemblée nationale cette semaine, lorsque le Premier ministre a mélangé ses notes. Avec humour, il a su en tirer parti en plaisantant sur l’incident. Cela a provoqué l’hilarité générale, car il y avait un besoin de relâcher la pression, et il a joué le jeu à fond. Même si ce n’était pas intrinsèquement humoristique, cela a eu cet effet. Le rire déclenche également la libération de diverses substances chimiques dans le corps, comme l’endorphine, procurant une sensation de bien-être. Pour certains, cela devient presque une manière de vivre.
Le rire fait-il partie des nombreuses interactions quotidiennes ?
Durant une journée, nous avons en moyenne une quarantaine d’échanges avec les autres. Cela peut consister à ouvrir la porte à quelqu’un, faire une blague, ou simplement saluer. Ce ne sont pas nécessairement de longues conversations. On peut éclater de rire même si l’on ne connaît pas la personne, pour peu qu’elle ait fait une remarque amusante. C’est un geste fraternel qui contribue à l’harmonie sociale et à la réduction des tensions. Le rire ne doit pas être agressif ; il ne s’agit pas de s’en servir comme une arme contre autrui, mais plutôt comme un moyen de rassembler les gens.