La cinéaste d’origine canadienne et tunisienne explore les profondeurs complexes des traumatismes et des conséquences qu’ils engendrent en utilisant le thème du recrutement par des organisations terroristes.
Exploration cinématographique de la douleur parentale
Dans son nouveau film intitulé La Source, qui sortira en salles le 1er janvier, Meryam Joobeur aborde la profonde souffrance des parents dont les enfants ont choisi de s’engager avec le groupe terroriste Daech en Syrie. La réalisatrice se penche sur le désespoir et le silence écrasant de ceux qui restent derrière. La Source s’inspire de son court métrage précédent, Brotherhood, où elle décrivait le retour inattendu d’un jeune jihadiste au sein de sa famille tunisienne. Ce court-métrage avait permis au cinéma tunisien d’être présent pour la première fois aux Oscars en 2020.
Dans La Source, la famille ne compte plus que le dernier-né après le départ des deux aînés pour rejoindre des combattants terroristes. Cela laisse derrière eux Brahim (interprété par Mohamed Grayaa), leur père, et surtout leur mère, Aicha (incarnée par Salha Nasraoui). Brahim se rend régulièrement au poste de police pour obtenir des nouvelles sur ses fils, sachant que si jamais ils revenaient, ils seraient immédiatement emprisonnés.
À la maison, la culpabilité se porte souvent sur Aicha, accusée par son mari d’avoir trop couvé leurs garçons. Les reproches incessants de Brahim finissent par blesser Aicha, dont la douleur n’est pas seulement physique. Bien que l’un de leurs fils, Mehdi, revienne, la souffrance se transforme mais ne s’estompe jamais complètement.
Le fils qui rentre au foyer, Mehdi, n’est pas seul. Il est accompagné de Reem, une femme entièrement voilée que l’on ne peut reconnaître que par ses yeux, et qu’il présente comme sa compagne. Leur retour déclenche un climat de tension et de suspicion, d’autant plus qu’il coïncide avec des événements troublants. Bilal (Adam Bessa), un policier et proche de la famille, s’active pour découvrir la vérité.
« La profondeur des douleurs silencieuses »
Au milieu de paysages tantôt verdoyants, tantôt lunaires de la campagne tunisienne, Meryam Joobeur construit son récit à travers des personnages peu loquaces. Un aspect particulier unit ces figures : les cheveux roux flamboyants hérités de leur mère, Aicha, qui ajoutent des éclats de couleur à l’écran, aux côtés des cris joyeux du benjamin de la famille. La Source est un film dépouillé d’émotions explicites, où les souffrances des femmes, bien que prépondérantes, ne s’expriment jamais pleinement. De la résignation d’Aicha à la présence énigmatique de Reem, la douleur atteint des sommets sans jamais se révéler entièrement.
Joobeur adopte une mise en scène minimaliste, laissant la caméra capturer les expressions subtiles des acteurs, reflétant des âmes tourmentées. L’histoire, bien que structurée, semble intemporelle, évoquant une douleur persistante et inexorable. On se perd dans les visions d’Aicha, entre rêves et cauchemars, des réminiscences qu’il aurait mieux valu oublier. Ce flou renforce l’état de confusion d’un esprit et d’un corps éprouvés par les traumatismes. La Source figure toutes les formes de violence auxquelles il est difficile de survivre ou de s’échapper. Meryam Joobeur propose une œuvre visuellement chargée, une expérience cinématographique pesante mais précieuse.
La fiche technique
Genre : drame
Réalisatrice : Meryam Joobeur
Distribution : Salha Nasraoui, Mohamed Grayaa, Malek Mechergui, Adam Bessa
Pays : Tunisie, France
Durée : 1h46
Sortie : 1er janvier 2025
Distributeur : KMBO
Synopsis : Dans un coin reculé de la Tunisie, Aicha et Brahim vivent les conséquences traumatisantes du départ de leurs fils pour une guerre au loin. Le retour d’un de leurs fils, accompagné d’une femme mystérieuse et silencieuse, relance le tourbillon des émotions. Tandis que les parents gardent secrète cette réapparition, Bilal, un officier de police et ami de la famille, entame une enquête qui le mène directement aux origines de ce drame familial.